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nature ; seulement, le nombre de leurs espèces n’est pas illimité. Parmi les corps, les uns résultent de combinaisons, les autres sont des élémens indivisibles et immuables : c’est la division des corps en corps simples et corps composés, et l’impossibilité de la transmutation d’un corps simple en un autre constitué par des atomes différens.

L’effondrement de la civilisation grecque, le triomphe de l’idée chrétienne devaient fatalement entraîner l’abandon de l’hypothèse atomique, hypothèse combattue, d’ailleurs, avec acharnement par tous les philosophes idéalistes. Mais, au XVIIe et au XVIIIe siècle, la renaissance des sciences entraîne un retour aux opinions matérialistes : Gassendi, Hobbes, Locke, Boyle, Diderot, etc., la reprennent, la développent, et Newton, quoique idéaliste en religion, lui apporte le secours de son imposante autorité. Une révolution scientifique, profonde et durable, se préparait, qui devait assurer son triomphe.


II

Vous voyez cette chandelle allumée, disaient, en substance, les matérialistes du XVIIIe siècle. Vos yeux, vos sens, tout vous montre qu’elle se consume, que la matière dont elle est formée disparaît et s’anéantit. N’en croyez rien : nous sommes sûrs, pour des raisons logiques, que cette matière ne se perd pas, car rien ne se perd, rien ne se crée ! — C’était, il semble, nier l’évidence. Mais lorsque Lavoisier eut démontré, par l’emploi de la balance, que la combustion ne paraît entraîner aucune perte de matière, puisqu’on retrouve dans le poids des produits de la combustion le poids du combustible, il fallut bien admettre, au moins sur ce point, l’exactitude des conjectures de Leucippe et de Démocrite. Il en fut de même en ce qui a trait aux atomes. Si, en effet, la matière des corps simples est formée de petites particules absolument insécables, possédant un poids invariable pour chaque espèce de corps simple, et si la combinaison entre divers corps simples résulte, non pas de la pénétration de leur substance, mais de la juxtaposition de leurs atomes, il tombe sous le sens que les rapports pondéraux suivant lesquels deux corps simples se combinent pour former un même composé, doivent être absolument fixes, ce raisonnement s’appliquant évidemment aux corps composés eux-mêmes. Or, c’est ce que Proust, à la