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preuve, presque matérielle, de l’existence de la molécule, telle que l’a conçue Avogadro.

Reste à exposer, avant d’aller plus loin, ce que l’on sait des dimensions et des poids réels de ces particules, molécules ou atomes, que Démocrite regardait comme à tout jamais insaisissables et qu’Epicure proclamait plus petites que toute quantité donnée. Si la divinité nous a permis de sonder du regard les espaces immenses de cet univers dont on dit que « son centre est partout et sa périphérie nulle part, » il semble qu’en revanche elle se soit attachée, avec un soin jaloux, à nous dérober le monde, infini aussi, de l’infiniment petit. Nos télescopes nous permettent d’apercevoir des étoiles dont la lumière met 150 siècles à nous parvenir et qui, par suite, sont à une distance d’environ 1025 mètres, soit 100 milliards de milliards de mètres ; mais le minimum visible, c’est-à-dire la plus petite particule de matière qu’on puisse discerner à l’aide de nos plus puissans microscopes, ne descend pas au-dessous d’un vingtième de micron de diamètre, c’est-à-dire un vingt-millième de millimètre ou un vingt-millionième de mètre, soit 1/20 X 10 mètre.

Or, le calcul et l’expérience, appliqués à certains phénomènes tels que l’écoulement des gaz à travers un tube de très petit diamètre, la minceur des pellicules liquides qui forment les parois des bulles de savon, etc., permettent de se faire une idée du diamètre, très variable suivant leur espèce, des molécules. On a ainsi trouvé que la valeur moyenne de ce diamètre est un peu inférieure à 3/4 000 de micron, c’est-à-dire à 3/4 de milliardième de mètre, de sorte que quatre milliards de molécules placées bout à bout occuperaient, environ, une longueur de 3 mètres. Aussi faudrait-il, si l’on voulait pouvoir discerner les molécules et acquérir ainsi une preuve indiscutable de leur existence, disposer de moyens de pénétration visuelle d’une puissance au moins 60 fois plus grande que celle des meilleurs instrumens actuels.

Quant aux volumes des molécules, leur valeur moyenne est d’environ 1/3 X 1018 millimètre cube, soit un trois-millième de quatrillionième de millimètre cube, c’est-à-dire que 3 000 quatrillions de molécules entassées les unes contre les autres occuperaient un volume d’un millimètre cube à peu près, et que 200 000 de ces molécules, placées dans les mêmes conditions