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deux atomes, de leur valence unique ; dans la molécule de méthane (protocarbure d’hydrogène), il en est de même, l’atome de carbone tétravalent échangeant ses quatre valences avec les quatre atomes d’hydrogène de la molécule ; de même, encore, dans la molécule de potasse caustique, où l’atome d’oxygène, bivalent, échange ses deux valences, d’un côté avec un atome d’hydrogène, de l’autre avec un atome de potassium monovalent.

D’autre part, tout groupe dans lequel les atomes ne sont pas, pour ainsi dire, rivés les uns aux autres par un échange convenable de valences, constitue un édifice instable, incapable d’exister à l’état de liberté, c’est-à-dire à l’état de molécule. C’est le cas de l’oxhydryle, dans lequel l’atome d’oxygène n’a qu’une seule valence satisfaite, puisque ce groupe ne comprend, uni à l’atome d’oxygène bivalent, qu’un seul atome d’hydrogène monovalent ; c’est aussi le cas d’un atome isolé, l’atome d’hydrogène, par exemple, qui, à lui seul, est incapable de constituer une molécule, puisque son unique valence ne peut être satisfaite. Aussi peut-on affirmer que les atomes, en raison même de leur valence, ne peuvent pas exister à l’état de liberté.

N’exagérons pas, cependant, la portée de cette assertion. D’abord, quelques gaz, comme l’argon, ont, à la température ordinaire, une molécule monoatomique, c’est-à-dire formée d’un seul et unique atome dont la valence n’est évidemment pas satisfaite. De plus, ainsi que nous l’avons déjà dit, aux hautes températures, les molécules polyatomiques, qu’elles appartiennent à un corps simple ou à un corps composé, tendent à se dissocier, d’où résulte encore l’existence, à l’état libre, de molécules monoatomiques, c’est-à-dire d’atomes. Enfin, dans les solutions étendues d’un sel, d’un acide ou d’une base, des atomes et des groupes d’atomes à valence non satisfaite nagent, au sein du liquide dissolvant, dans un état de liberté relative, puisque la plupart des molécules du corps dissous sont séparées chacune en deux ions qui portent des charges égales et relativement énormes d’électricité, positive pour l’un, négative pour l’autre.

C’est à Kékulé et à Couper qu’on doit cette notion si importante de la valence et, en même temps, l’idée ingénieuse et féconde de représenter les échanges de valence par des traits qui relient les symboles, connus de tous, que les chimistes emploient pour figurer les atomes, chaque trait correspondant à l’échange d’une valence. Remarquons que ces symboles hérissés de traits.