Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/424

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

utilisée par eux pour quelques conférences. Mais ils seront punis : les infirmières ne sont pas à court d’idées. En ce moment, leurs petites têtes s’excitent à propos du bal des internes. Le personnel féminin de l’hôpital est invité ; — la fête prochaine va récompenser les dévouées infirmières en leur offrant une distraction gratuite. On devine si les conversations vont leur train, le thème en est facile. Des noms sont lancés, des sous-entendus échangés, qui donnent à penser combien peuvent être pernicieuses des récréations de ce genre... Et les toilettes sont décrites. Où donc vont passer les pauvres appointemens !


Décembre. — Cette semaine, commence un nouveau cours, dès longtemps annoncé et critiqué par avance. Depuis le début de l’École de la Pitié, le même professeur en est titulaire, et l’on dit volontiers qu’il est insupportable. Sans le connaître, j’ai tenté de prendre son parti contre l’opinion établie. Mais un vent de révolte soulève, à son endroit, les plus dociles.

Ce cours s’intitule : Pansemens et petite chirurgie. Il traite, en réalité, de tout un ensemble de notions pratiques dont l’emploi se trouve chaque jour auprès des malades, soit à l’hôpital, soit « en ville. » Beaucoup d’élèves se destinant à la fonction de garde-malade à domicile doivent y recevoir un enseignement précieux. Le volume du Manuel correspondant à ce cours est assez étendu, mais la lecture n’en peut suppléer une démonstration vivante. Tout doit dépendre là du professeur.

Mais le voici. Sourcils froncés, barbe en broussaille, il gravit l’estrade et se promène de long en large, nerveusement. Sa première phrase est pour avertir les « fraudeurs, » ceux qui copient en composition, qu’il sera contre eux impitoyable. Puis il commence, ou plutôt il annonce qu’il va commencer. Déjà les petites infirmières croisent les bras pour sommeiller à l’aise. M *** en profite pour faire cette recommandation générale : « Dormez si vous voulez, mais ne faites pas de bruit. » Cela n’empêche ni chuchotemens, ni exclamations de la part d’une moitié de l’auditoire, celle qui ne dort pas. On se passe des petits papiers, des cahiers, sur lesquels on a griffonné une phrase, un dessin burlesque, une plaisanterie anatomique du plus mauvais goût. L’heure s’écoule sans que nous ayons ajouté à notre bagage une notion utile. Le professeur se répand en incidentes, annonçant à chaque reprise le véritable sujet de sa leçon, sans parvenir