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III


Peupliers aussi hauts que la tour de l’église,
Vieux hêtres pleins de nids et gigantesques houx,
Sapins aux rameaux droits, orme, chêne ou cytise
Les aïeux disparus vous ont plantés pour nous.

C’était lorsque au ciel pur montait l’astre des Jules !
Les coteaux verdissaient sous la vigne et les blés...
Quelques vieillards, devant les rouges crépuscules,
Seuls craignaient pour leurs fils des lendemains voilés.

Et l’orage accourut, suivi de saisons mornes.
L’eau, s’épanchant du ciel avec de longs frissons,
Nivela les talus, déracina les bornes,
Et noya tout l’espoir de nos belles moissons.

Ils ont moins résisté que le roseau fragile
Né, le pied dans la vase, au rebord du chemin,
Les poiriers que, pareils au Daphnis de Virgile,
Nos pères vigilans greffèrent de leur main.

Les épis morts, les fruits perdus jonchent la terre :
Mais vous êtes debout, dernier asile, ô bois !
Vous nous offrez encor vos arches de mystère.
Vos lents détours, peuplés des ombres d’autrefois

Sous leurs dômes flottans vos autels de verdure.
Reconnaissent les pas du pèlerin lassé.
Qui, s’échappant d’un monde où rien de bon ne dure,
Par vos sentiers secrets retourne à son passé.

IV


Entre nos jours mortels, inexplicable rêve,
 Et cette éternité qui suit le Jugement,
bois ! accordez-nous le bienfait d’une trêve,
Une heure de repos et de recueillement.