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REVUES ÉTRANGÈRES

UNE FEMME DE LETTRES ANGLAISE DU XVIIIe SIÈCLE


Fanny Burney, par Austin Dobson, 1 vol. Londres, 1904.


Le grand événement littéraire de l’année 1778, à Londres, fut l’apparition, chez un libraire de Fleet Street, d’un roman sous forme de lettres, en trois volumes, intitulé Evelina ou les Débuts d’une jeune femme dans le monde. Les trois volumes avaient été publiés sans nom d’auteur ; et, aux curieux qui, chaque jour, entraient dans sa boutique pour le questionner, le libraire, — un personnage tout gonflé du sentiment de sa soudaine importance, — répondait que l’auteur anonyme d’Evelina était un gentilhomme, habitant les aristocratiques quartiers du West-End, et mieux au courant que personne des plus intimes secrets de la société, mais, avec cela, si résolu à rester caché que jamais, suivant toute apparence, le mystère de son nom ne serait dévoilé. Force était donc de s’en tenir, là-dessus, à des conjectures. Les uns attribuaient l’œuvre nouvelle à Horace Walpole, qui n’avait plus écrit de romans depuis son fameux Château d’Otrante, de 1764 ; d’autres croyaient y découvrir plutôt la main de Christophe Anstey, auteur d’un Guide de Bath dont l’héroïne d’Evelina parlait avec éloge. Sur le mérite du roman, en tout cas, l’opinion du public entier était unanime : on s’accordait à reconnaître qu’il y avait, d’un bout à l’autre des trois volumes, des scènes tour à tour très touchantes ou très amusantes, des caractères d’une observation admirable, et que, depuis de longues années, aucun roman ne s’était produit qui montrât un pareil ensemble de belles et précieuses qualités littéraires.