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LA
JOURNÉE DE NERWINDE

Tout le programme de la campagne de 1693 fut exclusivement concerté entre le Roi et le maréchal de Luxembourg. Dès l’automne précédent, deux mois après Steinkerque, Louis XIV lui faisait part, dans une lettre confidentielle, de ses idées à ce sujet. Sa préoccupation essentielle était, lui disait-il, de « retirer la guerre de la province de Flandre, » pour « l’attirer dans la Herbaye et le Brabant qui avoisine cette province[1]. » À ce changement de territoire, le Roi voyait deux avantages : d’une part, « inquiéter les Liégeois, les princes de la Basse-Allemagne et les Hollandais, à qui cette guerre dans leur voisinage et à leurs dépens ne peut que donner beaucoup d’ombrage et suggérer l’envie de conclure une paix séparée ; » d’autre part, manœuvrer dans de vastes plaines découvertes, où notre excellente cavalerie évoluerait tout à son aise. C’est ainsi que l’on parviendrait à abréger la guerre, « que le prince d’Orange, au contraire, prolongerait tant qu’il lui plairait, s’il avait à agir dans des pays serrés, coupés, proches de la mer, » tels que la Flandre occidentale. « Je veux, ajoutait le souverain, me donner tout entier à cette importante affaire durant l’hiver prochain et tâcher d’aplanir toutes les difficultés qui peuvent l’accompagner. Pendant que vous êtes encore sur les lieux et que les objets vous sont présens, vous pourriez l’examiner à fond, — sans en donner part à personne. — et discuter à loisir tous les moyens d’y parvenir

  1. Le Roi à Luxembourg, septembre 1692. — Archives de la Guerre, t. 1138.