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32 000 hommes, le Roi, suivi des vingt-sept dames, quittait Namur et reprenait le chemin de Versailles. Il y rentra le 26 juin, ramenant le long cortège des princesses et des courtisans, ses musiciens, ses écuyers, l’appareil pompeux de sa Cour, l’innombrable troupeau des chevaux et des bêtes de somme, les fourgons remplis d’argenterie, de tapisseries, de riches étoffes et de meubles précieux, tout ce que, le mois précédent, il avait entraîné sur ses pas à 400 milles de distance, pour aboutir, en fin de compte, à passer une semaine au milieu de sa belle armée, et revenir ensuite, tête basse et les mains vides, de cette course inutile. Trop avisé pour ne pas ressentir l’humiliation d’un tel retour, il renonça du coup à la carrière des armes ; et ce l’ut sa dernière campagne.


II

Pour sauver l’honneur du pays, au moins laissait-il derrière soi, dans les plaines du Brabant, le meilleur de ses capitaines. Le reste de l’armée du Roi se joignit, après son départ, à celle de Luxembourg, dont l’effectif total fut porté de la sorte à 96 bataillons et 201 escadrons, environ 75 000 hommes. Dans ce chiffre, il est vrai, on comptait nombre de recrues. La meilleure infanterie, les soldats de Steinkerque, étaient pour la plupart en Allemagne avec le Dauphin ; de ces vieux régimens, dont Luxembourg connaissait la valeur pour l’avoir mise en œuvre, neuf seulement restaient sous ses ordres[1] ne doutait pas néanmoins de former rapidement les autres. Il était aidé dans sa tâche par le plus bel état-major du monde, ces princes qui, l’année précédente, avaient fait leurs preuves avec lui. le duc de Chartres, le duc de Bourbon, et surtout le prince de Conti, plus deux maréchaux de France, Joyeuse et Villeroy. Ce fut une chose nouvelle, comme le remarque Saint-Simon au sujet de ces deux derniers, de voir un maréchal commander d’autres maréchaux. Les anciens se souvenaient qu’une fois déjà, dans le passé, le Roi avait tenté une combinaison du même genre, mais qu’il s’était alors heurté à une résistance opiniâtre : trois maréchaux de France, Bellefonds, d’Humières et Créqui, avaient risqué l’exil plutôt qu’obéir à Turenne[2]. Il En 1693, on vit la différence

  1. C’étaient les Gardes françaises et suisses, Piémont, Navarre, le Roi, Lyonnais, Provence, Chartres et Bourdonnais.
  2. Voyez à ce propos le Maréchal de Luxembourg et le prince d’Orange, p. 65.