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au moins en infanterie, supérieur aux forces françaises[1]. Il résolut de l’affaiblir encore. A peine maître de Huy, il va s’établir à Lexhy, à trois lieues de la ville de Liège ; lui-même s’avance de sa personne sous les murs de la place, il en reconnaît les abords ; à la suite de cet examen, il prescrit que chaque bataillon s’emploie à fabriquer des centaines de fascines, prélude habituel d’un grand siège. Tandis qu’on vaque à cette besogne, il fait partir Joyeuse avec une division, de façon ostensible, pour la Flandre française, à dessein d’en chasser le corps de Würtemberg. Joyeuse se met effectivement en route, mais un ordre secret l’arrête à quelques milles de là, lui prescrivant de rejoindre l’armée sur le premier appel.

Guillaume fut dupe de ces démonstrations. Ne doutant pas que Liège ne fût prochainement attaquée, il se priva encore de dix bataillons d’infanterie, qu’il jeta dans la place. Puis, avec son armée, — que ces détachemens successifs avaient réduite de près de 20 000 hommes, — il alla se poster près du bourg de Landen, derrière la petite Geete[2], à portée de secourir Liège, si les Français tentaient de l’investir. Luxembourg apprit ces nouvelles le soir du 27 juillet. Elles comblaient tous ses vœux. La lettre qu’il écrit au Roi[3], pour dévoiler enfin une part de ses projets, respire la joie et la confiance : « Je me détermine à passer le Jaar et à marcher au prince d’Orange. Le voilà affaibli de ces dix bataillons ; il l’est encore par le détachement du duc de Würtemberg. C’est ce qui me fait douter qu’il nous attende. Mais, pour l’approcher de plus près, je fais état de marcher à minuit avec toute la cavalerie et les dragons... Si j’apprends dans ma marche que les ennemis n’aient point décampé, je ne ferai qu’une halte pour nous remettre tous ensemble ; après quoi, je marcherai au prince d’Orange. »


III

L’idée première du maréchal était, comme il le dit au Roi, de se mettre en route à minuit, car l’étape était longue : huit

  1. C’est un fait qui résulte, non seulement des évaluations françaises, mais d’une lettre du comte d’Athlone à Heinsius du 29 juillet, Archief, etc.
  2. Il existe, à peu de distance l’une de l’autre, deux rivières du même nom, la petite Geete et la grande Geete, toutes deux affluens du Demer, qui se jette lui-même dans la Dyle.
  3. Lettre du 27 juillet au soir. — Archives de la Guerre, t. 1206.