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Italie, Errard écrivait : « Ces grands et magnifiques restes de Rome lui auront assurément inspiré de hautes pensées. Le voïant dans la passion, si Vostre Excellence lui commande de mettre la main à l’œuvre et de s’efforcer d’en produire quelqu’une, je lui ai conseillé de remarquer, dans ces fragmens antiques, que le tout et les parties sont grands et simples et que ces beaux esprits ont fui la confusion des choses petites et tristes, tant dans leurs ouvrages d’architecture que de sculpture, ce qui leur donne la grandeur, netteté, harmonie, avec la résistance aux injures du temps... » C’est en des termes presque identiques, avec le même enthousiasme, que Suvée parle « de ces grands modèles » dont la réunion « est une instruction continuelle pour ceux qui ont appris à les bien voir » et célèbre, à son tour, « ce foyer commun d’études où l’imagination s’échauffe et s’embrase, et qui est tel que, nulle part ailleurs, on ne peut trouver autant de moyens d’instruction, autant d’exemples à suivre. »

Avant que le nouveau directeur pût rejoindre son poste, plusieurs années s’écoulèrent. Il ne se découragea pas, toujours fidèle à lui-même, toujours prêt à servir ses convictions artistiques. C’est ainsi qu’estimant que « c’était une folie de s’imaginer qu’on pût jamais suppléer à l’enseignement de Rome et de l’Italie par des échantillons, réunis dans un magasin, de toutes les écoles, » il n’hésita pas à signer la lettre par laquelle Quatremère de Quincy, Vien, Girodet, Lethière, Denon, Fontaine, Percier, Lesueur, Pajou, Espercieux, Soufflot et plusieurs autres écrivains et artistes éminens protestèrent « contre le préjudice qu’occasionnerait à la science le déplacement des monumens de l’art de l’Italie. » Après la triomphale campagne de Bonaparte et la paix de Campo-Formio, un second arrêté du Directoire, confirmant la nomination de Suvée, lui prescrivit de se rendre sans délai à Rome. Ce fut seulement sous le Consulat qu’enfin il put se mettre en route.

Une lettre signée de Charles-Maurice Talleyrand, ministre des Affaires étrangères, et adressée, le 18 fructidor an IX, au citoyen Dejean, ministre de la République à Gênes, montre quel intérêt le gouvernement attachait à la mission de Suvée : « Les directeurs de l’Académie, écrit Talleyrand, étaient dans l’usage d’envoyer quelques-uns de leurs élèves dans différentes parties de l’Italie pour leur procurer les moyens de perfectionner leurs talens, de connaître tous les ouvrages des grands maîtres et tous