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séjour à Rome. Il passa quelque temps à Naples, puis revint en France. Les tableaux qu’il exposa alors, notamment Phèdre et Hippolyte, n’eurent guère moins de succès que Marcus Sextus. En 1817, Guérin, dont l’atelier était très suivi, fut désigné comme directeur de l’Académie de France. La maladie l’ayant empêché de se rendre en Italie, Thévenin fut nommé ; mais, en 1822, la mission de celui-ci ayant pris fin, Guérin redemanda la place qu’il n’avait pu occuper et partit enfin pour Rome, où il compta au nombre de ses pensionnaires Pradier, Cogniet, Drölling, Alaux. Alors, cependant, comme en tous temps, même parmi les grands prix, il y avait plus d’appelés que d’élus, et Guérin pouvait écrire à Gros : « Tous les artistes semblent venir chercher à Rome leur brevet de capacité, fort étonnés, à leur retour en France, qu’on ne veuille pas toujours légaliser le certificat qu’ils sont allés chercher si loin. Ils ont peine à se persuader qu’ici, où les arts n’existent plus et n’ont laissé que leur dépouille, on ne peut recevoir que des leçons muettes qu’il faut savoir interpréter pour en recueillir le fruit. » Après avoir quitté Rome, Guérin, comme beaucoup d’autres, fut hanté de la pensée d’y retourner une fois encore. Il y revint en 1833 ; ce fut pour y mourir. Son tombeau est, à quelques pas de la Villa Médicis, dans l’église de la Trinité-des-Monts.

Lorsqu’en 1828 Horace Vernet succéda à Guérin, il venait, jeune encore, d’entrer à l’Institut, et sa popularité qui, pendant plus de vingt-cinq ans encore, ne devait que s’accroître, était déjà grande. Son directorat eut un rare caractère d’originalité. Après la Révolution de 1830, les troubles qui agitèrent Rome parurent un moment menacer l’Académie et ses pensionnaires ; Vernet, en se déclarant prêt au combat, montra cette sorte de crânerie militaire qui était un des traits de sa physionomie. À Rome comme ailleurs, il fut très aimé. Jamais la Villa Médicis ne fut plus fréquentée qu’alors. Le compositeur Mendelssohn, qui fut son hôte, nous en a laissé une curieuse esquisse : « Dans les allées d’arbres toujours verts qui, en ce temps de floraison, répandent des parfums par trop doux, en plein fourré du jardin, se trouve une petite maison qui se révèle toujours de loin par un bruit quelconque ; on y crie, on s’y chamaille, on y sonne de la trompette ou bien les chiens y aboient : c’est l’atelier. Il y règne le plus beau désordre ; on y voit pêle-mêle des fusils, un cor de chasse, un singe, des palettes, deux ou trois lièvres tués