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tière et broussailleuse, précieux régulateur climatérique et modérateur du régime des eaux, dans un climat soumis aux influences du Kouro Siwo, et sur un sol formé d’un granit détritique, désagrégé très vite et entraîné par le ruissellement partout où manque la végétation arborescente ou herbacée. De 1893 à 1898, les Japonais n’ont augmenté que de 94 339 hectares la surface de leurs rizières et de 1 210 985 celle de leurs champs de céréales et de légumineuses. Et l’histoire de leurs mécomptes dans ce genre d’entreprises apparaît au flanc des coteaux imprudemment déboisés, sous forme de longs ravins rouges ou ocreux, et au pied, sous forme de longs tumuli de cailloux et de sable ensevelissant des guérets, fertiles auparavant.

Or, les recensemens quinquennaux font ressortir, de 1893 à 1898, les crues suivantes de la population : 394 005, en 1895 ; 369 356, en 1896 ; 458 288, en 1897 ; et le dernier dénombrement connu, effectué en 1898, accuse une augmentation de 475 685 et porte le nombre des Japonais de 41 813 215, en 1893, à 43 760 754. Leur densité spécifique est donc globalement très proche de 105 au kilomètre carré. Or si nous cherchons le rapport entre la surface nourrissante et le groupe humain à nourrir, nous trouvons que chaque hectare de céréales ou de légumineuses doit alimenter quatre bouches. On sait qu’en France, le même nombre d’hommes dispose de deux hectares, c’est-à-dire du double. En vain on objectera que, grâce à l’emploi, invariable et traditionnel depuis des âges, de l’engrais humain, grâce à la douceur du climat, la Cérès japonaise donne, après le riz moissonné à l’automne, la moutarde, arrachée en janvier et février, l’orge coupée en mai, et ensuite des légumes. Cette culture intensive n’est pas praticable dans tout le Japon. Ne s’y prêtent que le pays de Cocagne étendu le long du Pacifique, de Yokohama à Kobé, les rives de la Mer Intérieure, et les anciens fonds lacustres qui la flanquent à distance dans Nippon, Chikokou et Kïouchiou. La mer japonaise est un vivier inépuisable, sans doute, et le Japonais est aussi ichthyophage que végétarien. La pêche fournit donc un appoint énorme à l’agriculture. Mais il reste insuffisant.

L’essor donné à l’industrie et au commerce nippon par l’établissement des étrangers dans les plus grands ports, par la suppression des entraves qu’imposait le régime féodal à l’esprit d’entreprise, la mise en exploitation forcée des richesses minières, la contrefaçon des marchandises européennes, ont soutenu pendant vingt-cinq ans l’effort ininterrompu du pullulement de la population. Mais tout leur effet utile est produit et ne se fait plus sentir depuis déjà dix ans. Le