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dans la production littéraire de M. Delsor, qui paraît avoir été très abondante, M. Combes a choisi une dizaine de phrases : avec cela, il a assommé son homme, avec d’autant plus de facilité que celui-ci ne pouvait pas se défendre. Il a eu tort seulement d’employer le même procédé à l’égard de M. Ribot, qui était là, et dont la riposte ne s’est pas fait attendre. L’agression de M. Combes contre M. Ribot a eu un tel caractère de violence et de perfidie que ses amis mêmes en ont été gênés. M. Combes est susceptible : c’est généralement un tort chez un homme d’État. Huit jours plus tôt, au moment où il sollicitait la remise à huitaine, M. Ribot, qui d’ailleurs ne s’y opposait pas, lui avait demandé ce qu’il comptait faire de ce délai et s’il en avait besoin pour prendre des renseignemens auprès de son préfet « ou ailleurs. » Ce dernier mot, couvert d’applaudissemens par le centre et par la droite, avait blessé au cœur M. Combes ; nous ne supposons pourtant pas que ce soit son préfet qui lui a envoyé tout le dossier qu’il a déballé à la tribune.

On ne devinerait jamais quelle a été la vengeance de M. Combes. En furetant dans les cartons du ministère de l’Intérieur, il a mis la main sur deux arrêtés d’expulsion signés de M. Ribot, où le nom du lieu de naissance de l’Alsacien expulsé était suivie, entre parenthèses, du mot : Allemagne. Voilà votre chef ! s’est écrié M. Combes en dénonçant tragiquement M. Ribot au centre. « Il ne lui a pas suffi de se plier à la loi impitoyable du sort et de se conformer à la lettre inexorable d’un traité. De sa seule autorité, il les a aggravées. Sans hésitation, de son propre mouvement, il a effacé l’Alsace de la carte de l’Europe. D’après lui, les Alsaciens qu’il a expulsés ne sont plus des Alsaciens, etc. » Et M. Combes a conclu que c’était de peur qu’on ne retrouvât ces deux arrêtés que M. Ribot aurait si fort désiré que l’interpellation ne fût pas ajournée. On ne sait ce qu’il faut le plus admirer, ou de la violence que M. Combes a mise dans sa dénonciation, ou de la niaiserie qui en fait le fond. Qu’y a-t-il de plus fort, de dire : M. Delsor, sujet allemand, — ou : Bischwiller, Allemagne ? M. Combes trouve que c’est la seconde formule qui est de beaucoup la plus blâmable, et que le qualificatif d’Allemand est plus désobligeant lorsqu’il s’applique à une localité qu’à un homme. Il faudrait le plaindre, si sa mauvaise intentionné provoquait pas un autre sentiment. « Il a fait cela, s’est écrié M. Ribot en reprochant à son tour à M. le président du Conseil de ne lui avoir même pas communiqué les pièces dont il comptait se servir contre lui à la tribune, il a fait cela, non pas comme une représaille d’honnête homme, mais comme