Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/805

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentiment du recul fatal de son influence en Extrême-Orient qu’il conviendrait d’expliquer certaines hésitations de sa politique ; nous les signations naguère ici, à propos de la guerre sino-japonaise ; et peut-être trouverait-on aujourd’hui de semblables observations à faire. L’alliance avec le Japon, si l’on en veut chercher les motifs profonds, apparaît comme une tentative désespérée d’arrêter la marche des Russes dans la Chine du Nord et de maintenir la « porte ouverte » dans l’Empire du Milieu ; mais, en fortifiant la position du Japon en Extrême-Orient, en lui fournissant des capitaux pour développer ses ressources économiques, en lui donnant, par son alliance, droit de cité parmi les puissances civilisées, l’Angleterre n’a-t-elle pas travaillé, de ses propres mains, au succès du plus dangereux de ses rivaux ? C’est ce que dira l’avenir et ce dont l’Angleterre semble déjà s’inquiéter, si l’on en juge par ses efforts pour calmer les ardeurs belliqueuses de son allié.


V

L’Allemagne est, dans le monde du Pacifique, une nouvelle venue ; elle y a recueilli une partie de l’héritage de l’Espagne défaillante. L’histoire de son expansion dans le Grand Océan est l’un des épisodes les plus caractéristiques de son rapide essor économique ; son commerce, en effet, y a précédé ses colonies, et elle a eu, dans l’Extrême-Asie et dans le Pacifique, de puissans intérêts avant d’y posséder un pouce de territoire ; elle n’a cherché à acquérir des établissemens que pour servir de ports de ravitaillement et de refuge à ses bateaux de commerce ou à ses croiseurs et surtout de bases d’opérations pour son négoce. C’est ainsi qu’en 1885, elle a étendu son autorité sur six groupes d’îles : l’archipel Bismarck, les Marshall, une partie des Salomon et des Samoa, les Carolines avec Palaos, les Mariannes, à l’exception de Guam, qui appartient aux Etats-Unis. En outre, les Allemands ont acquis la partie Nord-Est de la Nouvelle-Guinée qu’ils appellent la Terre de l’Empereur-Guillaume, où une soixantaine d’Européens gouvernent environ 110 000 Papou, et qui coûte par an 732 000 marks au budget de l’Empire, tout en n’en rapportant guère que 75000. Tard venue dans le partage du monde, l’Allemagne, là comme en Afrique, n’a pas eu le meilleur lot, mais toutes ces îles disséminées à travers l’Océan sont précieuses pour