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notre objet. Les Hollandais, quelle que soit la prospérité de leurs colonies, ne songent ni à les étendre, ni à exercer dans tout le Pacifique leur activité commerciale ; ni au point de vue militaire, ni au point de vue économique, ils ne disposent des ressources nécessaires à l’expansion, et c’est même une question que de savoir si leurs possessions ne risquent pas de leur être un jour disputées par quelque audacieux voisin. Les Japonais parlent volontiers de conquérir ces belles îles qu’ils considèrent comme une proie facile. Il est dangereux, pour un petit peuple mal armé et entouré de rivaux puissans, de détenir un territoire très riche et plus vaste que ne paraissent le comporter ses ressources. Des îles, grandes comme des continens, qui restent, faute d’hommes et faute de capitaux, improductives et inexploitées, c’est de notre temps, pour les peuples pressés de s’ouvrir des débouchés nouveaux, une trop violente tentation ; le bon droit, sans la force, pourrait un jour ne pas être, pour les colonies hollandaises, une suffisante sauvegarde.

Dans la lutte pour la domination du Pacifique, la France n’aspire pas à un premier rôle, mais elle a des possessions, des intérêts et des droits qu’elle ne peut pas abandonner. Au moment où va être achevé le canal de Panama, qui aurait pu être une œuvre française, et où une activité nouvelle va se répandre dans le Pacifique, ce n’est pas pour nous un médiocre avantage de posséder, sur les routes du Grand Océan, des points de relâche presque obligatoires, comme Tahiti, des terres riches en minerais et en produits cultivés, comme la Nouvelle-Calédonie ; l’heure est donc venue, non de renoncer à nos possessions lointaines, mais de les organiser, de les mettre en état de se défendre et de se suffire à elles-mêmes.

La Nouvelle-Calédonie, par ses dimensions, sa situation, ses richesses et sa population est le centre naturel des établissemens français en Polynésie. Quelle place elle pourrait tenir dans le monde austral et comment, dans ces dernières années, elle a été administrée et colonisée, c’est ce que nous avons naguère exposé ici assez complètement pour n’avoir pas besoin d’y revenir[1].

Géographiquement, les Nouvelles-Hébrides sont une annexe de la Nouvelle-Calédonie ; à trente heures de Nouméa et à six jours de Sydney, l’archipel serait depuis longtemps français et

  1. Voyez la France des Antipodes, dans la Revue du 15 avril 1900.