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toucherait, tous les vingt-huit jours, à deux ou trois des principaux points de l’archipel, n’ont pas encore abouti, et c’est actuellement une maison de Bordeaux et de Nouméa (maison Ballande), qui, à ses risques et périls, maintient les relations entre la Calédonie et les Hébrides, et soutient l’influence française[1]. Depuis longtemps le gouverneur anglais des Fidji est « haut-commissaire » dans les Hébrides, tandis que ce n’est que depuis peu de mois que le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie a reçu le même titre et les mêmes droits. Enfin, les Anglais disposent d’une influence considérable, grâce aux quinze établissemens de missions protestantes installés dans les îles ; chaque pasteur reçoit un traitement de 12 000 francs par an, plus 1 000 francs pour chacun de ses enfans ; il jouit de congés réguliers ; il est secondé par des teachers indigènes, qui reçoivent, eux aussi, une allocation ; toute l’influence du gouvernement est à la disposition de ces utiles agens de l’expansion britannique. Que peuvent faire, malgré leur dévouement et leur patriotisme, contre une pareille organisation, une douzaine de missionnaires maristes, qui vivent avec 700 ou 800 francs par an et qui sont souvent entravés dans leur œuvre par les mauvais procédés de certains gouverneurs français ? — Des négociations générales sont actuellement pendantes entre la France et l’Angleterre, et la question des Hébrides serait, dit-on, sur le point de recevoir une solution. Nous espérons qu’en dépit des fautes commises, les droits de la France seront reconnus ; le gouvernement de Londres ne les contesterait sans doute que faiblement, s’il ne redoutait le mécontentement violent des Australiens. On a parlé d’un partage de l’archipel, mais cette solution, outre qu’elle ne satisferait pas les Australiens, aurait pour conséquence de perpétuer les conflits de voisinage et de ne pas faire disparaître une cause de mésintelligence qui pourrait, un jour, entraîner des conséquences graves.

« Tahiti la délicieuse » est-elle vraiment encore une colonie française ? c’est malheureusement une question qu’il n’est pas inutile de se poser. Le drapeau tricolore flotte sur Papeete, nos fonctionnaires administrent l’île, près de 3 000 Français y vivent, mais le commerce nous échappe et de plus en plus l’influence

  1. Le commerce entre la Calédonie et les Hébrides se monte à environ 1 000 à 1 500 tonnes à l’aller et 2 000 à 3 000 tonnes au retour. L’archipel exporte du coprah (amande de coco séchée dont on extrait l’huile pour la fabrication des savons fins), du maïs, du café, des bananes, des coquillages nacrés.