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n’ont pas empêché les généraux qui viennent de faire la dernière campagne d’imposer les modifications reconnues par eux nécessaires. Elles ont été profondes. En France, où les souvenirs du champ de bataille se sont presque effacés, la résistance est plus tenace. Elle n’a pas encore désarmé, car elle trouve son point d’appui dans le formalisme obligé des cours didactiques. Sous leur influence, la doctrine du combat moderne a dévié.

Après nos désastres de 1870, un certain nombre de principes s’étaient imposés avec une telle force, qu’il ne semblait pas probable qu’on dût jamais revenir en arrière. Le fait s’est cependant produit.

Il est utile d’examiner comment s’est transformée, puis s’est perdue, la doctrine de combat imposée par l’expérience de 1870, et de résumer les principes alors admis.

Les règlemens sur les manœuvres des différentes armes la fixaient, et, comme c’est l’infanterie qui décide de la bataille, la tactique des autres armes découle de la sienne. Le règlement de l’infanterie précise la tactique d’une époque.

Une commission d’officiers chargée de rédiger ce règlement s’exprimait ainsi dans son rapport au ministre en date du 12 juin 1875 : « Un fait incontestable s’est produit : les perfectionnemens apportés depuis un certain nombre d’années à l'armement de l’infanterie et à celui de l’artillerie ont profondément modifié la physionomie du combat. Les effets dus à l’augmentation de la portée, de la justesse et de la rapidité du tir ont dépassé toutes les prévisions. L’expérience des dernières guerres le prouve surabondamment : les faits qui s’y sont produits de la manière la plus irrésistible ont provoqué des études dont les conclusions sont déjà adoptées dans presque toutes les armées étrangères.

« Aussi la discussion a-t-elle fait ressortir et admettre par la Commission comme de véritables axiomes les principes généraux suivans :

« 1° Importance prépondérante du feu comme mode d’action ;

« 2° Impossibilité, pour une troupe d’un effectif un peu considérable, de se mouvoir et de combattre en ordre serré dans la zone efficace du feu ennemi, soit en ligne, soit en colonne ;

« 3° Par suite, nécessité de fractionner les troupes en première ligne, et d’adopter pour elles le mode d’action en ordre dispersé ;

« 4° Translation forcée du combat sur la ligne de tirailleurs, autrefois chargée seulement de la préparation.