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même des choses, différer de ces vénérables institutions. Oxford et Cambridge, — à la manière des fées invitées, dans les contes, au baptême d’une petite princesse, — ont été consultées sur la création de la jeune Université et se sont efforcées de rendre cette différence inévitable encore plus sensible et encore plus profonde. C’est dans ce sens que s’est constamment exercée leur influence. Qu’elles le sachent ou non, elles visent surtout à garder ce monopole qui leur a appartenu sans conteste pendant tant de siècles et qui consiste à achever l’éducation des gentlemen.

En quoi consiste cette délicate et mystérieuse opération par laquelle se polit, s’achève le gentleman anglais et qui ne peut se pratiquer, paraît-il, que dans l’air d’Oxford ou de Cambridge ? Cela est difficile à expliquer et, probablement, difficile à voir, au moins pour les étrangers, car j’ai reçu plus d’une fois de jeunes Français qui avaient passé six mois à l’Université et qui n’avaient rien compris au procédé. Le travail, disons-le franchement, entre pour très peu de chose dans la culture du gentleman. Une dame me racontait que, remarquant la prodigieuse ignorance déployée par un de ses neveux en diverses circonstances, elle n’avait pu s’empêcher de lui dire : « Mais vous ne travaillez donc pas à Eton ? » L’enfant répondit avec un calme dédain : It is not the thing to work at Eton. Or, les Universités continuent les public schools et rien ne ressemble à un écolier de la sixième forme comme un fresher (conscrit) d’Oxford ou de Cambridge. Lorsque l’enfant en question sera devenu un jeune homme, il trouvera qu’au collège comme à l’école, ce n’est pas the thing de travailler. C’est aux sports que les undergraduates consacrent le meilleur de leur temps. Les professeurs, très familiers, très bons garçons, donnent leurs cours au galop et ne demandent pas de devoirs écrits. Quand approche le moment critique des examens, — quelques-uns sont fort difficiles, mais me semblent mettre en jeu la mémoire bien plus que l’intelligence, — on va s’installer pendant les vacances dans quelque retraite, où l’on pioche en compagnie d’un ou deux camarades, quelquefois sous la surveillance d’un coach ou professeur particulier, spécialement engagé pour la circonstance. C’est ce qu’on appelle read for the exam.

Lorsque vous entrerez dans le hall d’un grand collège, vous y remarquerez trois tables, ou trois séries de tables : celle des étudians, celle des bacheliers, celle des maîtres ès arts. Ces trois