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REVUE LITTÉRAIRE

LES « MÉTAMORPHOSES » DE SAINTE-BEUVE

Sainte-Beuve aimait à répéter que pour connaître un écrivain c’est au temps de ses débuts qu’il faut l’étudier. On assiste à la formation de son esprit, on voit naître les tendances qui parviendront plus tard à leur plein épanouissement, on découvre le fond véritable de la nature, on démêle les influences subies. Cette méthode s’impose lorsqu’il s’agit d’un écrivain à l’esprit très complexe ; et c’est dire qu’on ne saurait l’appliquer mieux qu’à Sainte-Beuve lui-même. Aussi M. G. Michaut a-t-il été bien inspiré en consacrant à Sainte-Beuve avant les Lundis[1] un livre qui est un modèle de recherche patiente et scrupuleuse, attentive aux moindres détails, et poussée jusqu’à l’infiniment petit. M. Michaut est, comme son collègue à l’Université de Fribourg, M. Victor Giraud, un de ces jeunes savans qui nous rendent l’incomparable service de faire connaître à l’étranger notre enseignement. Il s’est déjà placé en bon rang par des travaux d’érudition. Il fait aujourd’hui vraiment œuvre d’historien des lettres. Plusieurs, en soupesant son livre, ont éprouvé une espèce d’effroi, et se sont demandé comment il a pu consacrer sept cents pages à Sainte-Beuve avant Sainte-Beuve : Combien lui en faudra-t-il, s’il lui prend quelque jour fantaisie d’étudier l’œuvre même du critique et non plus de rester au seuil de son sujet, mais d’y entrer ? Or M. Michaut ne conteste pas que Sainte-Beuve

  1. G. Michaut, Sainte-Beuve avant les « Lundis. » Essai sur la formation de son esprit et de sa méthode critique, 1 vol. in-8o ; Fontemoing. — Latreille et Roustan, Lettres inédites de Sainte-Beuve à F.-Z. Collombet, in-12 ; Lecène et Oudin. — Victor Giraud, Table alphabétique et analytique des « Lundis ; » Calmann-Lévy.