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il est permis de croire que la vérité se rapproche d’une moyenne, ce qui donnerait 45 habitans au kilomètre carré. C’est une densité qui peut nous paraître déjà importante pour une population rurale, puisqu’elle est supérieure à celle d’une bonne partie de notre Champagne, de notre Bourgogne, et de la plupart de nos régions montagneuses ; mais c’est peu, comparé au Japon, qui y trouverait de la place pour des millions de colons.

Chaque fois que le Japon s’est senti fort, capable d’une action au dehors, c’est vers la Corée qu’il a aussitôt tourné les yeux. Dans la nuit des temps légendaires, vers le IIIe siècle de notre ère, la nation japonaise, à peine constituée dans le Sud-Ouest de son archipel, avant même d’en occuper le Nord, a envahi la Corée sous la conduite de la mythique impératrice Jingo. Bien plus tard, après avoir rétabli un pouvoir central fort, au sortir des longues guerres civiles du XVe et du XVIe siècle, Hydeyoshi ou Taïko-Sama, que les Japonais appellent leur Napoléon, envoya à son tour ses armées la conquérir. Les dissensions des généraux japonais, les uns chrétiens, les autres restés bouddhistes, la mort d’Hydeyoshi et la politique de recueillement national pratiquée par les hommes qui lui succédèrent au pouvoir, amenèrent l’abandon de cette conquête dont il ne subsista qu’une vague vassalité. Mais à peine revivifié au contact de l’Europe, dès 1874, le Japon force la Corée à ouvrir trois ports au commerce étranger. Sa politique envahissante amène la guerre avec la Chine et une nouvelle occupation japonaise de la Corée en 1894 ; c’est elle qui vient d’amener la guerre avec la Russie.

Cette politique est sans doute peu respectueuse du droit qu’a tout pays de vivre indépendant ; mais la politique d’expansion de la France, de l’Angleterre ou de la Russie l’est-elle davantage ? Comme elles, le Japon argue de la nécessité d’avoir des débouchés, et d’intérêts acquis déjà importans. D’après des évaluations faites en 1901, le nombre de ses nationaux établis en Corée était de 15 000, contre 5 000 Chinois et quelques centaines d’Européens divers ; dans tous les ports ouverts, à Gensan, à Tchémoulpo, à Fousan surtout, à Séoul même, se trouvent des quartiers japonais dont la bonne tenue contraste heureusement avec les villes coréennes ; ils font un tiers du commerce extérieur total, et presque toute la navigation est entre leurs mains ; ils sont concessionnaires du chemin de fer de Fousan à Séoul, exploitent celui de Séoul à Tchémoulpo, qu’ils ont racheté aux