Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’intéresser et pour avoir en même temps sous la main, condensés et mis à jour, tous les renseignemens qu’il lui importe de connaître.

Des travaux de ce genre, où sont notées une foule d’indications qu’il faudrait à grand’peine rechercher dans des publications éparses, deviennent, quand ils sont faits avec conscience, absolument nécessaires pour se démêler au milieu de la profusion toujours croissante de documens de toute espèce et de toute provenance qui encombrent aujourd’hui le champ des études artistiques. Nos voisins excellent à dresser ces sortes de répertoires et à élaborer des études d’ensemble tenues au courant de l’état actuel de la science. Outre de nombreuses monographies des écoles ou des artistes les plus célèbres, on trouve chez eux plusieurs histoires de la peinture allemande et des histoires générales de la peinture, telle que celle de Woltmann et de K. Woërmann, dont nous chercherions en vain chez nous l’équivalent.

Sans parler d’une tendance naturelle à enregistrer et à coordonner les faits, tendance qui de nos jours s’est progressivement développée en Allemagne, les Universités allemandes encouragent et dirigent ce mouvement. Depuis longtemps déjà, elles acceptent ou provoquent des thèses de doctorat relatives à l’histoire de l’art, et les professeurs indiquent eux-mêmes, aux jeunes gens qui pourraient hésiter dans le choix des sujets à traiter, ceux qui embrassent des matières ou des périodes encore mal connues, et, suivant les aptitudes des candidats, ils répartissent entre eux les fragmens de ces études[1].

Chez nous, au contraire, nos Facultés des Lettres, mal préparées à de pareilles études, ont pendant longtemps refusé d’admettre au doctorat des travaux ayant pour objet l’histoire de l’art, tandis que nos philosophes officiels ne se privaient pas d’examiner les abstractions esthétiques qui leur étaient soumises sur le Beau, sur son essence, sur ses manifestations, sur le génie, sur le style dans les arts, en affrontant ainsi, au grand risque d’y tomber, les abîmes sans fond de ces trous noirs dont parle Fromentin, et assignant aux artistes, avec une candeur autoritaire, leurs cantonnemens et leurs voies, dans un domaine absolument ignoré d’eux-mêmes. Ce n’est que récemment que, cédant

  1. C’est ainsi que, dans ces derniers temps, des portions de l’histoire du paysage ou des enquêtes méthodiques sur des questions restées douteuses dans la biographie des maîtres et la filiation des diverses écoles leur ont été proposées.