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fort propre aussi à donner les modes et rien de plus. » Sous ces sarcasmes, on devine qu’il y avait chez Villeroy de l’aptitude naturelle aux exercices du corps, de l’élégance et du goût. Cela non plus n’est point pour déplaire aux femmes, et quand nous aurons ajouté qu’il était serviable, sûr dans les procédés, fidèle dans les relations, nous finirons par voir en lui un galant homme bien doué, digne d’estime, dont le principal tort fut de se prendre pour un Catinat ou un Villars, mais qui n’était pas indigne d’occuper le cœur d’une femme.

Reconnaissons aussi qu’il aurait fallu à Mme de Caylus une singulière vertu pour résister à un aussi séduisant personnage lorsqu’il commença de s’occuper d’elle. Elle avait peu ou point de mari, point de protecteur, et la surveillance de Mme de Montchevreuil était plutôt faite pour l’exaspérer. Si haut qu’elle levât les yeux, elle ne voyait que des exemples faits pour l’ébranler. Le temps des grandes favorites royales était passé, mais les princesses légitimées, filles de Louis XIV, ne donnaient guère un exemple différent de celui que leurs mères avaient donné. La Princesse de Conti, fille de Mlle de La Vallière, avait eu pour amant M. de Clermont ; la Duchesse de Bourbon, fille de Mme de Montespan, avait le Prince de Conti. Leurs dames d’honneur ou d’atour ne laissaient pas que d’avoir aussi leurs faiblesses, tout comme, autrefois, les filles d’honneur de la reine Marie-Thérèse : et Mme de Maintenon avait beau faire, l’air de la Cour n’était pas très différent de celui qu’on y respirait, lors de la première représentation de ce ballet de Psyché où l’un des personnages chantait, devant un roi jeune et amoureux :


Est-on sage,
Dans le bel âge,
Est-on sage
De n’aimer pas ?
Que sans cesse
L’on se presse
De goûter les plaisirs ici-bas.
La sagesse
De la jeunesse,
C’est de savoir jouir de ses appas.


Ne nous étonnons donc pas si Mme de Caylus, malgré l’éducation que lui avait donnée Mme de Maintenon, fut sage à la mode de Psyché. Mais Villeroy était un homme trop compromettant et