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pour rétablir des relations affectueuses entre la tante et la nièce. Il fallut encore un heureux événement, la mort de M. de Caylus, « qui fit plaisir à tout le monde, » dit Saint-Simon, et qui survint à Bruxelles, en novembre 1704. Par un assez piquant hasard, ce fut Villeroy, alors commandant en Flandre, qui lui rendit les derniers soins. Mme de Maintenon l’en remerciait dans une lettre où elle lui laissait cependant entendre qu’elle n’était point « la dupe » de ces soins. « Dieu veuille lui faire miséricorde, ajoute-t-elle ; le monde n’en a pas pour lui[1]. » Elle négligea cependant d’écrire à Mme de Caylus à propos de cette mort, et, comme celle-ci s’en plaignait dans une lettre où elle demandait manifestement à rentrer en grâce, elle lui répondait assez sèchement : « Nous ne devons pas être aux complimens. Je suis si malade et si vieille que, depuis quelque temps, je me réduis aux lettres nécessaires, et je n’en fais plus par bienséance seulement. Du reste, qu’est-ce que cette dépendance que vous voulez de moi ? Vous êtes en âge, et, de plus, en possession de vous bien conduire. Que voulez-vous changer la veille de ma mort ? Il est vrai que vous m’auriez été d’une grande consolation, si vous vous étiez tournée de façon que j’eusse pu avoir un grand commerce avec vous, ce qui ne se peut que par la conformité des sentimens. Cependant, Madame, je vous verrai quand vous voudrez venir passer un dimanche à Saint-Cyr. Adieu, ma chère nièce, j’ai cru qu’il falloit vous appeler ainsi, pour que vous ne me crussiez pas fâchée contre vous[2]. »

La nièce aurait pu s’y méprendre, en effet, ainsi qu’au ton d’une seconde lettre, un peu plus amicale cependant, où, quelques mois après, Mme de Maintenon ne lui laisse rien ignorer des bruits qui courent sur elle : « Je n’ai rien à vous dire de nouveau, mais le déchaînement n’est pas cessé. Vous n’avez jamais été dévote que par politique ; vous ne pensez plus qu’à vous remarier. Voilà sur quoi l’on brode tous les jours quelque chose de nouveau. N’en soyez point en peine, ma chère nièce ; votre conduite, s’il plaît à Dieu, forcera vos ennemis à se taire, et vous établira une réputation qui vaut mieux que tous les trésors[3]. »

La conduite de Mme de Caylus finit cependant par désarmer Mme de Maintenon, car, à la fin de cette même année 1705,

  1. Mme de Maintenon d’après sa Correspondance-authentique, t. II, p. 38.
  2. Ibid., t. II, p. 39.
  3. Ibid., t. II, p. 42.