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Sans doute aussi faut-il tenir compte de ce fait que la lettre de lord Lansdowne s’adresse plus au public et au parlement britanniques qu’à sir Ed. Monson : elle n’en contient pas moins un avertissement discret, et les oreilles un peu sensibles doivent l’entendre. Il en est de même d’un autre passage, où lord Lansdowne parle de l’Espagne. On lit dans ce texte de l’arrangement : « Les deux gouvernemens, s’inspirant de leurs sentimens sincèrement amicaux pour l’Espagne, prennent en particulière considération les intérêts qu’elle tient de sa position géographique et de ses possessions territoriales sur la côte marocaine de la Méditerranée, et au sujet desquels le gouvernement se concertera avec le gouvernement espagnol. » Quel sera le caractère de ce concert ? « Une troisième condition, dit lord Lansdowne à sir Ed. Monson, a trait à l’Espagne. Une reconnaissance adéquate et satisfaisante des intérêts espagnols, politiques et territoriaux, a été dès le début, dans l’esprit du gouvernement de Sa Majesté, un élément essentiel de tout règlement de la question du Maroc. L’Espagne a des possessions sur la côte marocaine, et l’étroite proximité des deux pays a fait naître, du côté du gouvernement et du peuple espagnol, l’attente raisonnable qu’il serait tenu un compte spécial des intérêts espagnols dans tout arrangement ayant trait à l’avenir du Maroc. Le gouvernement de Sa Majesté a constaté avec satisfaction que, en tant qu’il s’agit du principe en question, les deux gouvernemens sont entièrement d’accord, et que c’est l’intention du gouvernement français, comme du gouvernement britannique, de veiller à ce que la considération spéciale que tous les deux reconnaissent être due à l’Espagne ne lui soit pas moins témoignée en ce qui concerne les questions de forme qu’au point de vue de ses intérêts matériels. » Et plus loin : « Finalement, en ce qui concerne l’Espagne, les deux gouvernemens constatent qu’ils ont admis que ce pays a des intérêts exceptionnels sur certains points du Maroc et que ces intérêts doivent être respectés par les deux puissances. Le gouvernement français s’est proposé d’arriver à une entente avec l’Espagne quant à la manière dont cette stipulation pourra être exécutée, et de communiquer au gouvernement de Sa Majesté les termes de l’arrangement qui pourra être conclu dans cette intention. » Tout cela est vague, sauf l’obligation finale que nous aurions acceptée, bien qu’elle ne soit pas dans l’arrangement, de constituer l’Angleterre juge de nos concessions à l’Espagne. Quelles que soient ces concessions, l’Espagne les trouvera-t-elle suffisantes ? Et quelles qu’elles soient aussi, il faut dire nettement que, dans le cas où la constitution politique et territoriale future du Nord de