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C’est, d’autre part, ce qui explique aussi que les exportations soient à Gênes très faibles par rapport aux importations : les industries italiennes ont actuellement encore des besoins de matières premières qui naturellement excèdent de beaucoup leur faculté d’exportation. A Marseille, les exportations atteignent normalement en poids les deux tiers des importations ; à Gênes, elles ne dépassent guère un sixième ou un septième. On estime qu’à Gênes, les deux cinquièmes des navires arrivés en chargement dans le port repartent sur lest ; et si les entrées de marchandises à Gênes, charbon compris, dépassent actuellement au moins d’un huitième celles de Marseille, le trafic de sortie est en revanche à peu près triple à Marseille de ce qu’il est à Gênes.

Voilà, dira-t-on, qui est, somme toute, favorable à Marseille, et doit rendre confiance en l’avenir ! Faut-il se reposer là-dessus, admettre sans contrôle ce que disent couramment les Italiens, ce que croient même quelques Français, j’entends que le port de Gênes, tirant son trafic des besoins et de la production de la Haute-Italie, n’est pas en réelle compétition avec celui de Marseille, que les progrès de l’un sont indépendans de ce qui fait la décadence relative de l’autre ? Qu’on dise ces choses en Italie, sans même, je le veux bien, l’arrière -pensée d’endormir nos craintes et de favoriser notre inertie, cela se comprend. Mais ne nous y laissons pas tromper. Si la grosse part du trafic génois vient du commerce national, de ce que les statistiques douanières appellent le commerce « spécial, » — comme, au reste, la grosse part du trafic marseillais, — il n’en faut pas moins reconnaître que le commerce international, le transit, compte dans le mouvement du port de Gênes pour une part point du tout négligeable ; et quand les porte-parole du commerce marseillais sont tentés d’attribuer au percement du Saint-Gothard toute la cause des progrès du grand port rival, leur erreur n’est guère plus grande que celles des économistes qui voudraient lui dénier toute part d’influence sur ces progrès. La trouée du Mont-Cenis avait fait peu de chose pour Gênes, venant après la cession de la Savoie à la France ; en revanche, celle du Gothard fit beaucoup, suivant de peu le rapprochement italo-allemand, unissant l’Allemagne et la Suisse à l’Italie par une voie ferrée à grand trafic, mettant Bâle à 508 kilomètres de Gênes, tandis que Marseille restait à 727 kilomètres de Bâle. Tout de suite. Gênes gagna, et Marseille perdit, avec une partie du transit allemand, tout le transit de la Suisse