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REVUES ÉTRANGÈRES

L’AUTOBIOGRAPHIE D’HERBERT SPENGER


An Autobiography, par Herbert Spencer, 2 vol. în-8°. Londres, Williams and Norgate, 1904.


Dans le courant de l’année 1886, le vieux philosophe Herbert Spencer s’était senti si malade qu’il avait bien cru (devoir abandonner pour toujours l’achèvement de son Système de Philosophie synthétique, auquel il travaillait depuis 1860. Non pas que les sources de la vie fussent, en aucune façon, atteintes chez lui. Tous ses organes, au contraire, fonctionnaient le mieux du monde ; et il constatait lui-même, avec une satisfaction où se mêlait un peu de dépit, que chaque jour son teint devenait plus clair, sa mine plus brillante. « Ni dans les traits du visage ni dans sa couleur, disait-il, il n’y a chez moi de signes de mauvaise santé : au contraire, je parais plus jeune de dix ans que mon âge. » Mais il avait de fréquentes insomnies, qui le fatiguaient : sans compter qu’un isolement trop complet, et une trop constante habitude de ne penser qu’à soi, l’avaient de plus en plus conduit à s’inquiéter outre mesure du plus léger désordre qu’il découvrait dans sa respiration ou sa digestion. De telle sorte que, peu à peu, tout effort de réflexion abstraite lui était devenu insupportable. En vain il avait traîné son secrétaire des lacs d’Ecosse aux rivières du Pays de Galles, pour lui dicter quelques pages pendant que, assis au bord de l’eau, il pêchait à la ligne ; en vain il l’avait installé près de lui dans un canot, sur la pièce d’eau d’un des parcs de Londres, et, là, alternativement, avait ramé cinq minutes et dicté un quart d’heure : impossible de donner à ses idées l’ordre et la suite nécessaires.