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et comment l’auraient-ils pu ? Voilà comment de réelles qualités d’esprit, et surtout de cœur, ont été stériles. Ajoutons que, dans bien des cas, et particulièrement en province, les nationalistes ont augmenté la confusion des partis en prenant, ou en s’efforçant de prendre sur le terrain électoral la place des républicains modérés. Nous disions plus haut que sans doute le gouvernement ne profiterait pas de la leçon qu’il avait reçue : puisse du moins l’opposition profiter de celle qu’elle a reçue elle-même, et se préparer en meilleur ordre aux combats de l’avenir ! Telles qu’elles ont été, les élections des 1er et 8 mai sont de nature à l’y encourager.

Les événemens d’Extrême-Orient ont aujourd’hui un intérêt supérieur à tout autre. Depuis quelques jours, deux faits graves se sont produits : le passage du Yalou par les Japonais et l’investissement de Port-Arthur, qui, s’il n’est pas encore complet, menace de le devenir. Ils devaient naturellement produire et ils ont produit une assez vive émotion : cependant ils n’avaient rien d’imprévu, surtout le premier, et, quelle que soit leur importance, il ne faut pas l’exagérer. Ce qui est malheureux pour les Russes et pour ceux qui, comme nous, souhaitent ardemment leur succès, c’est qu’ils n’ont obtenu jusqu’ici aucun de ces avantages partiels qui entretiennent ou relèvent la confiance, et que, au contraire, ils ont éprouvé coup sur coup un certain nombre d’accidens dont l’effet moral est fâcheux. Mais nous ne sommes d’ailleurs qu’au début des opérations, et, dès le premier jour, tout le monde a eu le sentiment qu’elles seraient longues et mêlées de péripéties très diverses : il n’y a donc pas lieu de s’alarmer prématurément. L’opinion la plus générale était que la dispersion de leurs forces maritimes condamnait les Russes à l’infériorité sur mer ; mais on croyait non moins généralement, et nous continuons de croire, qu’ils sont sur terre supérieurs aux Japonais, et qu’ils les y battront. Toutefois ce ne sera ni si facilement, ni si vite. Non seulement les Japonais se battent bien, avec courage, avec audace, et avec cet absolu mépris de la mort qui caractérise les Asiatiques, mais ils sont conduits par un état-major et par des officiers instruits, habiles, qui ont préparé de longue main leur plan de conduite, et qui l’exécutent aujourd’hui avec une remarquable précision. Ils en ont terminé la première partie : la seconde sera peut-être plus difficile.

Le passage du Yalou était, en quelque sorte, escompté d’avance. On était d’accord pour croire que les Russes ne défendraient pas sérieusement la ligne du fleuve, et qu’ils ne devaient pas le faire. C’est