Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/533

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, au dire des hommes compétens, s’imposent dans notre tactique, dans notre méthode de mobilisation et d’approvisionnement, mais tout cela ne pourrait-il pas s’opérer sans toucher à notre loi organique de recrutement ? Il y a deux jours, j’ai assisté chez votre cousin à une conversation entre Niel, Trochu, Lebrun, de laquelle est résulté que, grâce à la longueur de notre service militaire, à notre système de réserves qu’on pourrait encore perfectionner, à l’élasticité de nos contingens actuels, notre armée a une solidité que le système prussien, plus démocratique mais moins militaire, affaiblirait. » L’Empereur n’en convint pas ; il maintint que le nombre aurait désormais à la guerre une importance décisive ; que l’organisation actuelle ne nous l’assurait pas, et qu’il fallait absolument l’obtenir.

Je lui parlai de l’envoi des ministres à la Chambre. Il m’objecta : « Ne craignez-vous pas que cela ne nous ramène le régime parlementaire et que les Assemblées ne recommencent à faire et à défaire les ministères ? » Évidemment c’était la grosse objection par laquelle les ennemis des réformes essayaient de l’arrêter. Je répondis : « L’envoi des ministres à la Chambre ne lui donnera pas plus de pouvoir qu’elle n’en a actuellement, car, si cela lui convient, elle peut dès maintenant obliger Votre Majesté à renvoyer un ministre. — Comment ? Expliquez-moi cela. — Supposez que la majorité veuille se débarrasser de votre ministre de la Justice, un orateur se lèvera et dira : Nous trouvons l’administration du ministre de la Justice mauvaise, nous désirons que l’Empereur le change et, pour marquer notre, volonté, jusqu’à ce que satisfaction nous ait été accordée, nous rejetons son budget ou une section importante. Dans ce cas, que ferait Votre Majesté ? Elle serait obligée de dissoudre l’Assemblée ou de changer de ministre. — C’est vrai, » répondit-il.

Quant à la presse, je lui démontrai que le petit palliatif de Walewski était insuffisant. Le régime administratif avait fait son temps, et il fallait se résoudre à renoncer à la nécessité de l’autorisation préalable et des avertissemens, et établir une loi organique et définitive, non pas en revenant aux rengaines passées, mais selon des principes plus rationnels : faire correspondre à la suppression des rigueurs exceptionnelles du régime de 1852 l’abolition des privilèges également exceptionnels des lois précédentes, en soumettant la presse au régime du droit commun, les délits déférés aux tribunaux correctionnels et les crimes