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j’ai pensé que, en envoyant les ministres au Sénat et au Corps législatif, en vertu d’une délégation spéciale, pour y participer à certaines discussions, j’utiliserais mieux les forces de mon gouvernement, sans sortir des termes de la Constitution qui n’admet aucune solidarité entre les ministres et les fait dépendre uniquement du chef de l’État. — Mais là ne doivent pas s’arrêter les réformes qu’il convient d’adopter ; une loi sera proposée pour attribuer exclusivement aux tribunaux correctionnels l’appréciation des délits de presse et supprimer ainsi le pouvoir discrétionnaire du gouvernement. Il est également nécessaire de régler législativement le droit de réunion en le contenant dans des limites qu’exige la sûreté publique.

« J’ai dit, l’année dernière, que mon gouvernement voulait marcher sur un sol affermi, capable de supporter le pouvoir et la liberté. Par les mesures que je viens d’indiquer mes paroles se réalisent, je n’ébranle pas le sol que quinze années de calme et de prospérité ont consolidé, je l’affermis davantage en rendant plus intimes mes rapports avec les grands pouvoirs publics, en assurant par la loi aux citoyens des garanties nouvelles, en achevant enfin le couronnement de l’édifice élevé par la volonté nationale. Sur ce, Monsieur le ministre, je prie Dieu qu’il vous ait en sa sainte garde. » (19 janvier 1867.)

Cette lettre ne me satisfit pas. Je trouvai qu’elle manquait de souffle, d’élan, d’ampleur ; que le couronnement de l’édifice, s’il devait se borner à ce qui était annoncé, était trop maigre et ne supposait pas un édifice bien imposant. J’y sentis un premier refroidissement.

L’acte de l’Empereur n’en consterna pas moins la cour et le vieux parti impérialiste ; ils répétaient à l’envi ce que Vaillant écrivait dans son Carnet : « Moi, je ne sais qu’une chose, c’est qu’il y aura un cabinet ; que ce cabinet sera plus puissant que l’Empereur ; et que c’est un amoindrissement considérable du Souverain, comme une abdication. » Rouher accrut leur épouvante en annonçant l’intention de se retirer. Lui parti, l’Empereur serait contraint de confier le pouvoir à Emile Ollivier ; ce jeune infatué accélérerait le mouvement, et l’on tomberait dans l’odieux parlementarisme. Il fallait retenir Roulier ; il écarterait un homme dangereux et rendrait moins nuisibles les lois imprudentes, les entourerait de restrictions préservatrices, les atténuerait dans l’application, et, qui sait ? peut-être avant leur mise en