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UN PEINTRE AU JAPON.

Mais nous trouverions dans Japoneries d’automne des descriptions qui ne le cèdent en rien à celles de Lafcadio Hearn ; et il serait le premier à en convenir, lui qui parle si volontiers de Pierre Loti, comme du premier des poètes en prose contemporains. Ce qu’il nous donne en revanche d’unique, à titre de Regard sur le Japon inconnu, c’est le Journal d’un maître d’anglais, sa propre expérience dans les écoles de l’intérieur, à Matsue.

Il enseigna en même temps au Jinjo Chugakko (école secondaire) et au Shihan-Gakko (école normale). Le premier, un grand bâtiment de bois, peint en gris-bleu, à deux étages et de style européen, est fréquenté par trois cents externes environ. L’école normale, construite à l’angle opposé de la même place carrée, est beaucoup plus vaste encore, d’une blancheur de neige et surmontée d’un petit dôme. Les cent cinquante étudians sont tous pensionnaires. Présenté au directeur et à ses futurs collègues (c’était en 1890), le nouveau professeur, une fois instruit de tout ce qui concernait les livres et les heures de classes, alla saluer le gouverneur de la province, avec lequel il avait passé un contrat. Dans la préfecture, construite et meublée à l’européenne, il fut reçu par un homme que sa haute taille et la force placide de sa physionomie faisaient ressembler aux héros antiques du Japon ; autour de lui une douzaine de fonctionnaires et de professeurs en costumes de cérémonie, hakama de soie, robes chatoyantes, pardessus enrichis de leurs armes de famille, avaient l’air de pygmées. Obligeamment, en prenant le thé, il entretint son hôte des traditions de la province d’Izumo, la plus ancienne du Japon et dont Matsue est le chef-lieu. Ensuite, retour à l’école. L’épreuve de l’enseignement commence. Elle n’a rien de dur, quand il s’agit de petits Japonais. Presque tous depuis leurs premières années ont étudié déjà l’anglais. Ils sont en outre merveilleusement dociles et patiens, d’une scrupuleuse politesse.

Lafcadio Hearn donne presque tout son temps au Chugakko.

À l’École normale, où il ne fait que quatre leçons par semaine, il se trouve en présence de jeunes gens en uniforme militaire gros bleu, chacun d’eux assis devant un tout petit pupitre reposant sur un support à trois pieds. Au bout de la salle, claire et blanchie à la chaux, se trouve une plate-forme avec un pupitre plus élevé que les autres, la place du maître.

Tous les étudians se lèvent comme un seul homme et saluent, au commandement de l’un d’eux qui porte les galons de capi-