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disparaissait l’armée marocaine, telle qu’elle était constituée à l’époque, et Sidi Mohammed reconstitua lui-même un corps d’Abid, qui se maintient encore à Mékinez.

Débarrassés de leurs rivaux, les Oudaïa devinrent, à leur tour, prépondérans, par conséquent, insupportables. En 1824, Moulay Abderrahman ayant ordonné l’arrestation de leurs caïds, Fez-el-Djedid se souleva ; le souverain s’enfuit à Mékinez, auprès des Abid, et il fallut un siège de quarante jours pour reprendre la capitale. Chacune des trois fractions reçut une destination spéciale : les gens d’Ehl-Sous furent transportés à Rabat, les M’ghafra dans les environs de Marrakech ; quant aux Oudaïa proprement dits, expédiés tout d’abord à Larache, ils furent ramenés près de Fez, sur les bords de l’oued Mekkes, où ils demeurent encore. La fraction des Oudaïa, déportée dans le Haouz, fut installée, à peu de distance de Marrakech, sur le territoire des Chérarda. Ceux-ci sont un groupe arabe, originaire du Sahara, à peu près composé des mêmes élémens, qui avaient suivi la fortune des Saadiens et contribué plus tard à former le guich des Oudaïa. Au milieu du XVIIIe siècle, le cheikh Abou-el-Abbès-ech-Chéradi devint un marabout distingué. Son fils exploita la baraka paternelle, réunit des affiliés et bâtit une zaouïa, qui groupa autour d’elle toute la tribu des Chérarda. Le petit-fils, Sidi el-Mehdi, se développa à tel point que Zaouiet-ech-Chéradi, devenue la plus importante du Haouz, commença à inquiéter le makhzen. Une première expédition envoyée contre elle fut repoussée ; mais une nouvelle tentative donna la victoire au makhzen, et la zaouïa finit par être détruite, Sidi El-Mehdi s’enfuit au Sahara, sa famille fut reléguée à Mékinez, et les Chérarda se virent transporter en masse dans le pays montagneux, situé entre le Zerhoun et le Sebou, à la place des Oudaïa, qui occupèrent dorénavant leurs territoires du Haouz.

Le déclassement des Oudaïa dura plusieurs années ; puis survint la fâcheuse expérience d’Isly, et surtout l’on s’aperçut que la réduction exagérée du nombre des tribus makhzen préparait les voies à la résurrection des Bouakhar. Aussi les Oudaïa furent-ils rétablis dans leurs anciens privilèges par Moulay-Abd-er-Rahman et les Chérarda eux-mêmes constitués en tribu de guich. Enfin Moulay-el-Hassan jugea opportun de reconstituer, à Fez-el-Djedid, le guich d’Ehl-Sous, qu’il composa de gens du Sous et de Filala émigrés, avec un faible appoint de Djébala.