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voiture avec son petit enfant dans ses bras en poussant des cris déchirans.

Toutes les troupes de la garnison formaient la haie et contenaient une immense population silencieuse. Un soleil étincelant illuminait les rues et invitait à la vie, tandis que les cloches de toutes les églises jetaient dans l’air le glas de l’agonie. Au passage, beaucoup saluaient respectueusement ; les femmes pleuraient, surtout à la vue de la malheureuse femme de Mejia. Quand le cortège fut arrivé à l’entrée du carré de 4 000 hommes qui entourait le lieu de l’exécution, l’Empereur ouvrit la portière et sauta à terre. Le Père Soria défaillait ; Maximilien prit son flacon de sels pour le ranimer. Il regarda la foule et demanda s’il n’y avait là nul de ses amis. On lui dit que Magnus était présent, mais qu’il ne pouvait le voir. Sa place était fixée au centre avec Miramon à sa droite et Mejia à sa gauche ; il se retourna vers Miramon et lui dit : « Un brave, même au moment de la mort, doit être distingué par son souverain. Permettez-moi de vous donner la place d’honneur. » Et, mettant Miramon au milieu, il se plaça à sa droite.

Trois pelotons d’exécution, composés chacun de sept hommes et un officier, se rangèrent à un mètre des condamnés. L’officier chargé de commander le feu s’avança vers l’Empereur en le priant de lui pardonner. « Jeune homme, dit Maximilien, merci de votre compassion, mais vous êtes un soldat, obéissez. » Il s’avança vers les hommes du peloton, donna à chacun une once d’or (80 francs) et leur dit : « Enfans ! visez bien ! visez là. » Et il leur montra son cœur. Puis il retourna à sa place, et d’une voix claire et ferme : « Je vais mourir pour une cause juste, la cause de la liberté et de l’indépendance du Mexique. Puisse mon sang mettre un terme aux malheurs de ma nouvelle patrie. Vive le Mexique ! »

Il retira son chapeau, le remit à son serviteur pour qu’il le portât à sa mère et s’essuya le front avec un mouchoir. Apercevant à quelques pas un groupe d’hommes et de femmes qui sanglotaient tout haut, il leur sourit, rejeta sa barbe en arrière et regarda devant lui. Miramon lut un discours qu’il termina par le cri de : « Vive le Mexique ! » Mejia laissa tomber sur sa poitrine le crucifix qu’il tenait à la main ; les officiers levèrent leur épée, le fou de peloton éclata. Maximilien tomba sur son côté droit en murmurant le mot : Hombre ! (homme !) Chacune des balles avait