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et que, s’il suffisait à exercer, sur certains joints, une répression locale, il ne pouvait contenir une agitation étendue, provoquée par les erreurs du souverain. Seul, le guich reste efficace. En fournissant la garde impériale et la garnison des villes makhzen, il garantit l’existence du gouvernement marocain et le préserve contre toute agression des tribus, qui se savent impuissantes devant des murailles ou des canons. Quelque universelle que devienne l’agitation, elle peut déborder sur tout le pays, le transformer en bled-es-siba ; mais, tant que subsistera le guich, il y aura un sultan et un makhzen, inattaquables à l’abri des villes impériales ou dans l’enceinte du campement chérifien.

Si la défensive est ainsi assurée pour le makhzen contre ses sujets récalcitrans, l’offensive est moins bien organisée. Elle appartient à l’armée permanente et aux contingens nouaïb. La plupart des tribus du pays makhzen, y compris les tribus privilégiées, consentent à maintenir sous les armes un certain nombre d’hommes ; si bien que chaque tribu possède un tabor, portant son nom, qui se compose des askar, désignés pour le service parmi les contribules ; — les tribus du Haouz et des Diara de l’Atlas fournissent ainsi leur tabor à l’armée chérifienne ; quant à celles du Gharb, quelques-unes refusent encore de se prêter à cette obligation. En dehors des tabors de tribus, il s’est également constitué plusieurs tabors de volontaires, en majorité originaires du Sous, qui sont recrutés par quelques caïds renommés et prennent le nom de leur chef ; le plus connu de ces tabors est celui des Harraba, qui est un bataillon modèle, d’environ 2 500 hommes, formé par le caïd sir Harry Mac-Lean. Chaque tabor est commandé par un caïd-er-raha, qui dispose de caïds-el-mia comme officiers subalternes et de mokaddems comme sous-officiers ; un amin spécial sert de payeur au régiment. L’effectif de chaque tabor est infiniment variable : celui des tabors de volontaires peut être à peu près maintenu par la recherche de nouveaux engagemens ; la chose ne va pas de même pour les tabors des tribus, qu’on évite de mécontenter en risquant auprès d’elles un appel de recrues. Il en résulte que les tabors de tribus peuvent être nombreux à l’arrivée d’un nouveau contingent ; mais peu à peu les désertions y accroissent les vides et ils finissent par ne plus compter que quelques askar, si même ils ne disparaissent pas tout entiers. Le soldat marocain est né déserteur ;