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UN DIVORCE

DERNIÈRE PARTIE[1]


IX. — UN ADIEU

La souffrance de ce remords devait du moins être épargnée à cette âme, tourmentée par tant d’épreuves ; et chacune, en lui apparaissant comme une conséquence directe de la grande erreur de sa vie, avait redoublé sa foi. Elle avait pratiqué d’instinct ce conseil donné par un Père de l’Église et dont Joseph de Maistre a écrit que c’était un des plus beaux mots sortis d’une bouche humaine : « Vis fugere a Deo ? Fuge ad Deum : Avez-vous peur de Dieu ? Sauvez-vous dans ses bras… » Cette épreuve-là, celle d’avoir participé, faute d’un peu de courage, à la perte éternelle d’un être à qui l’avait engagée autrefois le plus solennel serment eût sans doute dépassé ses forces. La pauvre femme le sentit elle-même, et, tout de suite, elle chercha le moyen de savoir si réellement elle aurait désormais à porter ce poids sur la conscience. Quel moyen ? Son fils allait partir pour Villefranche, s’il n’était pas déjà parti. Pouvait-elle d’ailleurs aller le trouver, elle aussi, comme Darras la veille, dans l’appartement où était mort Chambault, au risque de s’y rencontrer avec une Melle Planat ?… Attendrait-elle d’être bien sûre que la levée du corps eût été faite, pour se rendre à cette maison où elle ne se heurterait plus ni à Lucien ni à cette fille, afin d’interroger les gens de service ?…

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 mai, 1er et 15 juin.