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En fils respectueux, le jeune homme s’incline, ou feint de s’incliner, devant la volonté de ses parens… Il leur demande seulement la permission d’aller faire un voyage, tout comme un amoureux moderne qui veut oublier, — avec ceci de particulier, toutefois, que, pour un Breton, voyager, c’est se rendre en pèlerinage à quelque lieu dévot. Iannik Coquart annonce son intention de se diriger vers le Folgoat. Pourquoi de préférence vers le Folgoat ? C’est sans doute que la Vierge, patronne de ce sanctuaire renommé, étant réputée toute-puissante, il espère davantage de son intercession. Mais il y a une autre raison, qu’il n’avoue pas, qu’il ne s’avoue peut-être pas à lui-même : et c’est que la route qui mène au Folgoat passe, un peu au-delà de Morlaix, devant le seuil de Marie Tili. Toutes les chances sont donc pour qu’il la rencontre, si même il ne lui a donné rendez-vous. Il n’a pas fait le tiers du chemin qu’elle est là qui le guette, un peu surprise au premier abord de son accoutrement de pèlerin :


— Iannik Coquart, mon bien-aimé,
Où allez-vous en cet équipage ?
— Je vais au pardon du Folgoat
Sans chaussure, sans bas, et à pied.


Bien que la chanson n’en dise rien, il est évident qu’ici Iannik Coquart devait primitivement faire part à la jeune fille, sans d’ailleurs lui en révéler le véritable motif, du refus que ses parens opposent à leur mariage. Marie Tili, en effet, reprend :


— Iannik Coquart, mon bien-aimé,
Souffrez que j’aille avec vous, moi aussi,
Demander à Dieu la grâce
Que nous couchions dans le même lit
Et mangions à la même écuellée.


Iannik Coquart n’a pas le cœur de lui répondre : Non ; et les voilà cheminant de compagnie, « la main dans la main, » à la façon traditionnelle des amoureux de Basse-Bretagne. Comme ils approchent de Plouvorn, le jour est déjà sur son déclin. Or, Plouvorn, c’est la paroisse de Marie Tili. Sa maison n’est plus qu’à quelques pas. Il est tout naturel qu’elle offre à son galant de s’y reposer.


— Cher Iannik, attendez un peu,
Que j’entre dire un mot à ma mère,
Savoir d’elle si elle a de quoi
Nous donner à souper à tous deux.