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croissant, l’homme a agi sur l’économie de sa demeure terrestre et lui a apporté des modifications incontestables. Pour ne parler que de ses travaux récens, il a desséché des mers, inondé des déserts, percé des montagnes, supprimé de grandes forêts et boisé de larges surfaces arides, de façon à transformer l’état météorologique de régions tout entières, comme l’isthme de Suez. Il a arraché aux entrailles de la terre des quantités de matières qu’il a fait entrer dans la circulation de la surface ; il a brûlé des volumes énormes de matières charbonneuses et déversé de ce chef dans l’atmosphère des torrens d’acide carbonique. A tous ces titres, on peut dire qu’il façonne le globe sur lequel il vit.


X

De ce qui précède, deux conclusions se dégagent d’elles-mêmes :

Partout s’efface la limite qu’on avait cru voir tout d’abord entre l’époque actuelle et les temps précédens.

Une intense activité règne sans relâche dans les profondeurs du sol. Sous l’influence des circulations qui ne s’y arrêtent jamais, tout y est en voie de changement continu, rien n’y est jamais définitif, ni composition, ni structure ; les élémens s’y remplacent comme dans un tissu organique et vivant, et les transformations s’y succèdent sans cesse.

Une fois qu’on s’est placé à ce point de vue activiste, on voit changer du tout au tout le sentiment généralement accepté quant à l’économie du milieu géologique : partout alors l’évolution se manifeste, non seulement dans les grands ensembles stratigraphiques, mais jusque dans les détails les plus menus, et l’on peut prévoir que la géologie générale recevra sous peu des accroissemens successifs de la haute philosophie qui se dégage ainsi des observations. même les plus circonscrites.


STANISLAS MEUNIER.