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veut la Hollande et la Belgique… Vous n’aspirez tous qu’au démembrement de l’Empire français… Et il me faudrait évacuer l’Europe dont j’occupe la moitié, ramener mes légions la crosse en l’air derrière le Rhin, les Alpes et les Pyrénées… m’en remettre pour un avenir douteux à la générosité de ceux dont je suis aujourd’hui le vainqueur… Dans quelle altitude veut-on me mettre devant le peuple français ? L’Empereur s’abuse étrangement s’il croit qu’un trône mutilé puisse être en France un refuge pour sa fille et son petit-fils… » Il déclara : « Je ne céderai pas un pouce de terrain… Je fais la paix sur le statu quo ante bellum. » Une partie du duché de Varsovie à la Russie, soit. Mais à la Prusse, rien ; à l’Autriche rien, pas même l’Illyrie. Quant à la médiation, il ne l’accepta ni ne la déclina formellement. Metternich demeura à Dresde, filant, avec Maret, des notes de procédure. Il attendait un courrier de Schwarzenberg, à qui il avait demandé combien de temps, au-delà du 20 juillet, terme de l’armistice, il faudrait encore à l’Autriche pour être prête à entrer en campagne. La réponse porta : vingt jours. Sur quoi, Metternich, le 29 au soir, annonça son départ pour le lendemain matin. Napoléon luttait contre ses maréchaux, contre ses conseillers, Berthier, Caulaincourt, « qui exprimaient, dit Metternich, leurs inquiétudes toujours plus vives. » Il luttait surtout contre lui-même, persuadé que les armes, qui avaient tout fait, pouvaient seules tout maintenir ; que négocier équivalait à tenir conseil dans les places assiégées, à s’acheminer à une capitulation, et que, si la brèche s’ouvrait quelque part, tous les assaillans y passeraient. Dans la nuit du 29 au 30, il changea brusquement d’avis : l’espoir d’entraîner l’Autriche à prolonger la négociation et, le terme venu, si les alliés dénonçaient l’armistice, l’espoir que l’Autriche demeurât neutre et le laissât, grâce aux renforts qu’il recevrait, maître d’écraser les Russes et les Prussiens[1]. Le 30, au matin, il fit appeler Metternich et, séance tenante, une convention fut signée : la médiation de l’Autriche pour la paix générale ou continentale, un congrès à Prague, et, verbalement, l’armistice prolongé par la France au 10 août, l’Autriche se réservant de faire prendre le même engagement par la Russie et par la Prusse. « J’ai réussi, écrivit Metternich à son père, par le coup le plus hardi, par une prolongation de l’armistice de

  1. Maret à Narbonae, 23 juillet 1813, rétrospective.