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éventuellement adopté et auquel les alliés se réservaient de donner « la plus grande étendue. » Ainsi l’Autriche n’a pas encore notifié à Napoléon ses quatre points préliminaires et il est déjà convenu que, sur quatre alliés, trois ne concluront pas la paix à ces conditions-là. Il suffira que Napoléon refuse à cet étrange médiateur le minimum, pour que le médiateur se joigne aux coalisés et exige le maximum. Au cours de l’entretien, comme Nugent exprimait quelques craintes que l’arrivée à Prague de Caulaincourt, plénipotentiaire de Napoléon, ne retardât ou n’empêchât la guerre : — « Cela, lui répondit Metternich, ne fera point de différence, car les conditions proposées sont telles qu’elles seront très difficilement acceptées, et, en outre, elles peuvent être aggravées[1]. » L’empereur François donna son approbation le 1er août. « Jamais, dit Metternich, un monarque n’a eu comme lui des entrailles d’État ! »

Le ton s’élève. Le comte Hardenberg écrit à Munster, le 28 juillet : « Aujourd’hui on ne parle que guerre et de sa nécessité. Le comte Metternich répète à chaque occasion qu’il ne s’embarrasse plus de correspondance et de mots, ni de quatre ou six conditions de paix ; qu’il faut la guerre, et qu’il ne tardera pas au-delà du 10 août de se décider. » Il ne s’agissait plus que de gagner ce 10 août, c’est-à-dire de s’acheminer à la rupture en y mettant les formes et en rejetant toute la responsabilité sur Napoléon. Ce fut tout l’objet des pourparlers que l’on a très improprement appelés le Congrès de Prague, car ce congrès, dérisoire, selon le mot de Nesselrode, ne délibéra jamais, et, de toutes les « formes » de la procédure de Metternich, la plus simple à la fois et la plus efficace fut de ne révéler et notifier à Napoléon les fameuses bases qu’à la dernière heure, quand il restait à peine le temps de répondre par retour des courriers.


V

Caulaincourt arriva le 28 juillet à Prague, où il trouva Narbonne, désigné aussi comme plénipotentiaire. « D’après ce que M. de Narbonne m’a dit, écrivit-il à Maret, on est ici sur un volcan ; les momens sont comptés ; nos retards ont fait un mauvais effet. Tout ce que j’apprends me fait doublement

  1. Castlereagh à Cathcart, 5 juillet ; Nugent à Cathcart, 21 juillet ; Cathcart à Castlereagh, 6 août 1813.