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nouvelle occasion de s’accrocher à un libraire, ce qui doit lui arriver assez souvent, car il imprime plus d’une fois dans l’année. Tout cela me décourage fort, et si jamais j’ai du pouvoir absolu, je le ferai payer à plus d’un que je sais, pour me venger. Malheureusement il n’est pas de coin de la terre où l’homme vaille mieux, où l’influence soit à de meilleures conditions, et même à Lausanne, en ce canton de nos rêves, il faut lutter et s’armer de griffes terriblement.

Lèbre me dit que Mme Olivier pourrait revenir en automne pour régler cette affaire et réparer l’occasion manquée. Je garde le premier manuscrit (de Madame de Flers) ; Lèbre doit avoir le second. Je n’ai pas encore remis à M. Thierry la lettre, attendant les opuscules qui doivent l’accompagner. Nous avons eu ici un intermède assez poétique : Jasmin, le poète gascon, coiffeur, est venu à Paris et il a eu pendant vingt-cinq jours tous les honneurs, les mêmes honneurs que le drame de M. de Rémusat ; son flageolet l’a emporté sur l’explosion du chemin de fer. On l’a promené de maison en maison, et il a fini le dernier soir par Mme d’Haussonville. Sérieusement, cette attention bienveillante et intelligente a fait honneur à la société d’ici autant qu’à lui. On a fait preuve d’un vrai goût pour le bien (à condition qu’il fût nouveau), et on a montré, sans trop y songer, combien l’égalité par l’esprit était entrée dans nos mœurs. On l’a conduit à Neuilly où il a récité des vers au Roi et, pour plus de commodité, il s’est assis en récitant, ce qui a été très bien pris.

Je voudrais vous distraire, mes chers amis, par quelque histoire, mais je n’en sais pas de plus récréative. Je prends plus de part que vous ne pouvez imaginer à ces ennuis que je n’ai pas eu le pouvoir de vous sauver.

J’embrasse les chers enfans, qui sont le vrai bonheur ; j’envoie des amitiés à tous les bouts du lac, mais surtout autour de vous, à votre excellente famille de Villamont et à celle d’Eysins.

A vous, chère Madame et cher Olivier. Je remercierai directement M. Vinet de l’éloquent volume que j’ai reçu et que je lis.


19 juin 1842.

Mes chers amis,

Je suis bien en retard pour vous répondre : j’ai été bien occupé par des liquidations d’anciens engagemens et je m’en tire comme je peux. Lèbre, avec qui j’ai dîné hier, me donne des nouvelles de