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Je brûlerai pour toi le doux parfum sacré,
Et l’encens enivrant, dans la coupe d’argile,
Je te sacrifierai quelque gazelle agile
Dont le long poil soyeux de rayure est marbré.

Je remplirai des fruits de l’automne vermeille
Et des fleurs du printemps une large corbeille,
Que sur tes saints autels viendra mettre ma main.

Dans une amphore blanche aux anses bien formées,
Je mettrai le doux miel des ruches parfumées,
Et le bleuâtre lait dans une urne d’airain.


Á LA JEUNE FILLE DE MÉGARE


Sous tes doigts fins et longs tourne le fuseau blanc.
La laine aux reflets bleus que tisse ta quenouille
Fut prise au bouc d’argent que le frais matin mouille,
A la brebis rêveuse et qui marche à pas lents.

Pour tes doigts délicats, tout le troupeau bêlant
Donna, tout embaumée, une blanche dépouille,
Que ne flétrit jamais la poussière qui souille,
Mais pleine des parfums du soir tendre et tremblant.

Cette toison d’argent, dans des corbeilles rondes,
Fut apportée au bord des rivières profondes,
Dans les blancs nénuphars, parmi les verts roseaux…

La laine maintenant s’enroule fine et douce,
Dans de tièdes senteurs de soleil et de mousse,
Tourne sur tes longs doigts, et charge tes fuseaux.


TOMBE


N’écarte point tes pas du tombeau solitaire.
Vois ! je suis méprisée ici, et chaque humain,
Sans voir ma croix brisée, a suivi son chemin
Sans pencher son regard sur l’ombre de la terre…