Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 22.djvu/461

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mécaniques. » Ces lectures terminées, les autorités procédaient à la célébration des mariages, qui ne pouvaient plus avoir lieu que le décadi, et au chef-lieu de canton. Enfin la loi ordonnait aux instituteurs publics et privés d’y conduire leurs élèves. Et elle invitait le Directoire « à prendre des mesures pour établir dans chaque chef-lieu de canton des jeux et exercices gymniques, le jour de la réunion décadaire. » Le culte décadaire se complétait par un ensemble de « fêtes nationales, » les unes politiques et destinées à célébrer quelque grand anniversaire, 14 juillet, 10 août, etc., les autres morales, et consacrées à célébrer la Jeunesse, la Vieillesse, la Reconnaissance, etc.

On s’est souvent moqué des offices décadaires, aussi bien que de la messe théophilanthropique. L’auteur de la nouvelle étude sur les religions civiles du Directoire est d’avis que la raillerie en pareille matière est déplacée. Il a bien raison. Car derrière le décor de fantaisies littéraires et philosophiques, d’effusions sentimentales et d’exhibitions théâtrales, il reste à découvrir la machine policière qui fonctionne sans relâche. Pour appuyer le culte décadaire dans sa lutte contre le culte catholique, le Directoire prend contre celui-ci des mesures d’une rigueur encore inouïe. On compte pour l’an VI 1 148 arrêtés de déportation. Le 14 brumaire, an VII, le Directoire proscrit 8 000 prêtres belges ; de vendémiaire an VII au 18 brumaire an VIII, 209 prêtres français. Il s’attaque aux prêtres constitutionnels comme aux autres : il déporte jusqu’à des prêtres mariés. Ceux qui ont à souffrir d’une façon constante de l’application du nouveau système, ce sont ceux mêmes au bonheur de qui la Révolution s’était proposé de travailler : les petites gens. Voici, à titre d’exemple, quelques articles d’un arrêté pris dans le département de la Dyle, par l’administration municipale : » Il est ordonné aux commissaires de police d’arracher les affiches, de quelque nature qu’elles soient, dans lesquelles le calendrier républicain ne serait pas uniquement observé. Les délinquants seront punis conformément aux lois émanées sur la police municipale…. Les cabaretiers et autres habitans de cette commune qui ont encore des enseignes portant des désignations étrangères au régime républicain, telles que noms des saints, saintes, princes, ducs, cardinaux, etc., sont tenus de changer ces dénominations endéans la décade, à dater du jour de l’affixion du présent arrêté, sous peine d’être poursuivis comme de droit. L’usage des boulangers d’annoncer à certains jours la cuisson de leur pain, par le son du cornet ou autres instrumens quelconques leur est interdit comme rappelant l’ancien ordre de choses ( ! ). L’article 600 du Code des