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l’usage de la vie : c’est le cas des « heureux de ce monde ! » Et, nous craignons dans la mort l’entrée qu’elle est au néant ou dans l’immortalité : c’est le cas des incrédules et des libertins. Et, en effet, telle est la « division » du sermon sur la Crainte de la mort. Que dira-t-on qu’il y ait là d’artificiel, et quels autres motifs trouve-t-on que nous ayons de craindre la mort ? Car l’horreur de la souffrance physique rentre dans le premier cas, et le désespoir de l’homme qui ne peut achever son œuvre se ramène au second. Cessation de la vie, séparation d’avec ce que nous aimons, terreur de l’au-delà, nous ne trouverons rien d’autre ni de plus dans la crainte de la mort. Ne parlons donc plus ici de « dialectique, » et de rhétorique » encore bien moins, mais de « philosophie. » Ce prédicateur est un « philosophe. »

C’est ce qu’il est également, — et de plus un « moraliste, » — dans son sermon sur la Préparation à la mort. Car, d’où vient qu’étant plus assurés de mourir que d’aucune des vérités qui « se démontrent » ou qui « se prouvent, » d’où vient qu’à l’ordinaire la mort nous trouve si mal ou si peu préparés ? Cela vient de ce que nous avons beau savoir que nous devons mourir, nous n’en sommes pas « persuadés ; » et en effet, selon l’observation d’un autre prédicateur, on n’entend aux funérailles que « des paroles d’étonnement de ce que le mortel qu’on enterre est mort. » Cela vient, en second lieu, de ce que, même étant « persuadés » que nous devons mourir, nous ne savons où, ni quand, ni comment, ni dans quelles circonstances ; et, en conséquence, nous aimons à croire que nous aurons toujours le temps de nous préparer à la mort. Je me rappelle avoir noté je ne sais où cette locution populaire : « Vous prendrez bien le temps de mourir… » et on s’en sert, à la campagne ou dans les faubourgs, contre ceux qui s’excusent de n’avoir pas le temps d’interrompre leurs occupations pour s’attarder à causer ou… à boire. C’est ainsi que nous croyons tous que nous prendrons le temps de mourir, ou qu’il nous sera donné. Et si nous ne sommes pas mieux préparés à la mort, cela vient enfin de ce que nous ne profitons pas des leçons que la nature elle-même nous donne tous les jours pour nous apprendre à mourir. Il y a une « science de la mort, » à laquelle, bien loin de vouloir l’acquérir, nous nous efforçons de rester étrangers. Ce sont là les « trois points » du sermon sur la Préparation à la mort. Mais qu’est-ce que Voltaire lui-même trouverait encore de factice dans cette