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J’emprunte un autre passage à un autre sermon, sur la vraie et la fausse Piété :


Écoutez ceci, je vous prie. On récite de longs offices, et ces longs offices tout divins sont composés et remplis des plus beaux sentimens de foi, d’espérance, de charité et d’amour de Dieu, de confiance en Dieu, de soumission aux ordres de Dieu ; mais, après y avoir employé des heures entières, peut-être n’a-t-on pas fait un acte de foi, pas un acte d’espérance, pas un acte d’amour, de confiance et de soumission ; pourquoi ? parce que de tout ce que la bouche a prononcé, le cœur ne disait rien, ni sentait rien. On paraît devant l’autel du Seigneur, on y fléchit les genoux, on y demeure prosterné et humilié, et peut-être, en tout ce que l’on y a pensé n’a-t-on pas rendu à Dieu un seul hommage ;… pourquoi ? parce que la religion ne consiste ni dans les inclinations du corps, ni dans la modestie des yeux, mais dans l’humiliation de l’esprit, et que l’esprit n’a pas accompagné un moment toutes ces démonstrations de respect et d’adoration. On entre dans les hôpitaux, on visite des prisons, on console des affligés, on soulage des malades, on assiste des pauvres, et tel peut-être qui fait voir sur cela plus d’assiduité et de zèle est celui qui exerce le moins la miséricorde chrétienne ; pourquoi ? parce que c’est ou une certaine activité naturelle qui l’emporte, ou une compassion tout humaine qui le touche, ou l’habitude qui le conduit, ou tout autre objet que Dieu qui l’attire. [Sur la vraie et la fausse Piété. Dimanches, II, 254, 255.]


Toute la force de ces passages, et de vingt autres qu’on pourrait citer, est tellement dans le mouvement qui les rythme, qu’on pourrait presque l’en distinguer, l’en extraire, pour ainsi parler, l’en isoler, et, dans toute autre occasion à laquelle il s’adapterait, produire le même effet.


On fait ceci, on fait cela… et peut-être… Pourquoi ? Parce que… On fait cette autre chose, et cette autre encore,… et peut-être… Pourquoi ? Parce que… Et on en fait une autre encore, et une autre… et peut-être… Pourquoi ? Parce que…


C’est un cadre, et toutes les fois qu’il s’agira d’exprimer l’inutilité d’un effort qui n’est que la grimace ou la routine de ce qu’il devrait être, on aura lieu de l’employer, si d’ailleurs on a de quoi le remplir. Prenons enfin un dernier exemple, et empruntons-le à un sermon moins connu, sur l’Éternité malheureuse :


On peut absolument savoir le nombre des étoiles du ciel, — je crois qu’absolument veut ici dire : à la rigueur, — des gouttes d’eau dont la mer est composée, des grains de sable qu’elle jette sur ses bords ; mais de mesurer dans l’éternité le nombre des jours, des années, des siècles, c’est à quoi l’on ne