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jugemens sur Pascal ou sur Bossuet ne ressemblent pas à ceux de nos prédécesseurs, c’est d’abord ce qu’il faudrait voir ; et puis, s’ils avaient changé, je n’en rapporterais pas l’honneur au progrès des éditions « critiques, » mais à l’évolution des idées ; mais à une connaissance plus précise de la succession des « époques » ou des conditions dans lesquelles ils ont écrit et prêché ; mais à vingt autres causes, dont la moindre en notre temps n’a pas été l’influence de la rhétorique romantique, — et même naturaliste.

C’est cette influence que subissent en effet M. Castets et le Père Griselle, quand ils posent comme en principe que, de deux versions d’un même texte de Bourdaloue, la plus familière et la plus négligée doit être la plus authentique. C’est elle aussi que nous subissons quand nous mettons, — et avec raison je crois, — l’incomparable éloquence de Bossuet si fort au-dessus de celle de Bourdaloue. Rappelons-nous seulement les vers de Lamartine :


Je te salue, ô Mort, libérateur céleste…


de Musset même :


Créature d’un jour qui t’agites une heure…


d’Hugo surtout :


Prie encor pour ceux que recouvre
La pierre du tombeau dormant,
Noir précipice qui s’entr’ouvre
Sous notre foule à tout moment,


ou encore :


Nous ne voyons jamais qu’un seul côté des choses,
L’autre plonge en la nuit d’un mystère effrayant,
L’homme subit le joug sans connaître les causes,
Tout ce qu’il voit est court, inutile et fuyant ;


et ne doutons pas que de tels vers, dont on pourrait dire qu’ils sont presque plus oratoires que poétiques, ne nous aient appris à goûter ce qu’il y a de poétique dans l’éloquence de Bossuet ; — je veux dire de libre et d’inspiré, de brusque et de soudain, de hardi et de splendide, d’âpre même et quelquefois de cru. Et ce phénomène alors s’est produit que, ne trouvant rien de semblable ou d’analogue dans Bourdaloue, nous nous sommes