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ouvraient une échappatoire, et lui fournissaient un moyen spécieux de relier les négociations de Châtillon aux insinuations et a la déclaration de Francfort : le Rhin, les Alpes et l’étendue de territoire que la France n’avait jamais connue sous ses rois.

Les plénipotentiaires : Castlereagh, Aberdeen, Charles Stewart, pour l’Angleterre, Rasoumowsky pour la Russie, Stadion pour l’Autriche, Humboldt pour la Prusse, Caulaincourt pour la France, se réunirent le 5 février à Châtillon. Les conférences préliminaires, qualifiées de Congrès, s’ouvrirent, incessamment rompues par les contre-coups des batailles, les passages de troupes autour de la ville, les alternatives d’illusion des Français, d’arrogance et de dépression des alliés, surtout par la difficulté de correspondre, les courriers se voyant arrêter à tout instant par les partis, et les quartiers généraux se déplaçant incessamment. Ce congrès à péripéties ressemble moins à une réunion de diplomates qu’à un poste d’état-major où l’on pointe sur les cartes les mouvemens de la guerre : il donne l’idée de ce qu’auraient été le congrès de Prague, s’il s’était ouvert le 10 août et continué après la rupture de l’armistice, et le congrès de Mannheim, s’il s’était réuni, sans armistice, après lus feintes ouvertures de Francfort.

Les pouvoirs furent trouvés en règle et, le 7 février, les alliés déclarèrent leurs conditions de paix : les limites de 1792. Caulaincourt avait demandé et obtenu de Napoléon des pouvoirs illimités, carte blanche, afin de prendre, le cas échéant. les alliés au mot, et de n’être plus exposé, comme il croyait l’avoir été, à Prague et après Francfort, à perdre l’occasion prétendue. Mais il paraissait persuadé qu’il s’agirait toujours de la paix dans les limites naturelles, sur les bases de Francfort. « Certes, il ne faut rien céder de nos limites naturelles, » écrivait-il encore, le 4 février, à Maret[1]. » Toutefois, rapporte un Autrichien, « il écouta avec calme, — les conditions, — et il n’en paraissait nullement surpris. » « Vous me voyez, dit-il aux alliés, dans une position bien pénible… Quand je suis venu ici, je prévoyais qu’on me demanderait de grands sacrifices à faire… Ce qu’on demande aujourd’hui est tellement éloigné des bases proposées à M. de Saint-Aignan, et bien plus positivement énoncées dans une déclaration postérieure, qu’on ne devait nullement

  1. Protocoles. — Journal de Floret, Autrichien, secrétaire du Congrès. — Rapports de Stadion et de Caulaincourt.