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n’empêche pas qu’il ne soit fou, et, qui pis est, un peu ambitieux. Mais le monde est grand et les goûts sont différens.

J’ai reçu enfin les poésies de ce pauvre et excellent Durand. J’ai lu avec une vive émotion la belle notice de M. Vinet et le chant funèbre et si senti d’Olivier. Tout cela m’a reporté parmi vous, parmi mes compatriotes du canton de Vaud. Car je l’aime toujours, chère Madame, et je vous aime et vous ai toujours aimée un peu plus que vous n’avez cru.

Voici un petit mot pour M. Steinlen pour le remercier un peu mieux ; je pense qu’Olivier le connaît et peut le lui remettre.

Veuillez bien en m’écrivant me dire avec précision à partir de quelle date je puis encore faire mettre une lettre à la poste ici pour qu’elle vous arrive à temps pour le numéro du 15. Cela me permettra de ramasser et de coordonner mes propos de chronique avec un peu plus de justesse et d’à-propos[1].

Je vous embrasse, chère Madame, et les chers enfans, et Olivier.


18 février 1843.

Je veux pourtant commencer une feuille sans nouvelles et sans littérature. Un baiser d’abord à la petite sœur des trois Suisses : est-ce Berthe qu’on l’appellera ? — Mille félicitations et dragées (en idée) à l’accouchée. Je remercie bien M. Vinet de ces vers si flatteurs et si délicats copiés par lui : c’est une page de plus que je mets dans mon portefeuille de Lausanne, si bien rempli de bons souvenirs ; je n’ose deviner, mais je goûte et j’apprécie. Dites bien cela, cher Olivier, à M. Vinet, et aussi le plaisir et l’émotion que m’a causés sa délicieuse notice sur Henri Durand. — Si j’avais quelque occasion, je me hasarderais à lui

  1. Si les lettres de Sainte-Beuve deviennent plus rares, à partir de 1843, ce n’est pas qu’il écrit moins souvent à ses amis de Lausanne, mais il collabore régulièrement à la Revue Suisse, et ses Lettres sont en même temps des Chroniques littéraires que Juste Olivier imprime toutes vives, en général, dans sa Revue. La plus grande partie en a été réunie et publiée en volume par le dernier secrétaire et légataire universel de Sainte-Beuve, M. Jules Troubat, sous le titre de Chroniques parisiennes.
    Nous n’avons pas cru devoir ici reproduire les fragmens supprimés de ces Chroniques, et nous nous bornerons à dire qu’en général, si l’éditeur de la Revue Suisse les a supprimés pour des raisons de convenances et de personnes, ces raisons, après un demi-siècle écoulé, subsistent encore.
    C’est pour les mêmes raisons que, dans les lettres qui suivent, nous avons cru devoir faire un certain nombre de suppressions, qui sont d’ailleurs indiquées par une ou deux lignes de points, toutes les fois qu’elles ont quelque importance.