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auxiliaire, 60 000 hommes au lieu de 30 000. Metternich détacha aussitôt à Paris un de ses agens les plus adroits, le comte Bubna, gros militaire plein de cautèle, sous un air de loyauté, sachant voir, entendre, rapporter, faire parler et se taire. Bubna devait préparer l’opération de haute prestidigitation politique qui consistait à dénouer l’alliance pour la transformer en intervention amicale et la conduire, par toute sorte de passages ingénieux et « nuances intermédiaires, » à la médiation armée puis à l’hostilité. « Il aura soin, portaient ses instructions[1], de ne pas laisser de doute à Napoléon que toute coopération plus active de notre part serait illusoire ; » donc, rien, au-delà des 30 000 hommes du corps auxiliaire, et, de ce corps même, le meilleur emploi serait « de le placer, pour ainsi dire en ligne, avec le reste de l’armée autrichienne, » bref de le sortir de l’armée combinée où Napoléon en dispose contre la Russie, pour le fondre dans l’armée de François, qui en disposera, au besoin, contre Napoléon. Bubna protestera d’ailleurs de la fidélité autrichienne à l’alliance, du désir « d’une paix générale sur de larges bases, qui pourrait seule réparer les désastres de la présente campagne. » Il amorcera ainsi « l’intervention » qui achèverait de dégager l’Autriche, et, pour y induire Napoléon, il insistera sur le péril dont la Russie menace l’Europe ; il montrera de quelle importance il serait que « l’Autriche présentât à la Russie une masse imposante de résistance, » ce qui mènerait à abroger la clause limitative des forces autrichiennes ; enfin, il tâchera de savoir le prix que Napoléon donnerait, le cas échéant, au concours d’une Autriche « indépendante et renforcée. » Cela fait, Metternich se retourna vers la Prusse.


II

La Prusse traversait une crise analogue, mais infiniment plus pressante et périlleuse, car Napoléon avait limité ses forces totales à 42 000 hommes, et elle n’en disposait point, étant occupée par un corps d’armée français, encore intact, qui pouvait paralyser toutes ses mesures. Macdonald se rabattait sur la Prusse, Augereau occupait Berlin avec 20 000 hommes. Ce duc « sans-culotte » demeurait homme à traiter le roi de Prusse, ses ministres et

  1. 20 décembre 1812.