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imprudences de quelques-uns d’entre eux, les Pères allemands de Mgr Anzer qui, dès qu’ils avaient pu échapper à la tutelle et au contrôle du Protectorat français, s’étaient montrés si imprévoyans et avaient été l’occasion de l’intervention militaire : c’est au Chan-Toung que prit naissance et que se développa la secte des Boxeurs et que, dès 1898, elle se signala par des massacres de chrétiens. Parmi les Chinois plus éclairés, dans le monde des mandarins et des lettrés, la nécessité de mettre l’Empire en état de résister aux étrangers, en leur empruntant leurs procédés et leurs armes, et de rajeunir tout ce qu’avaient de suranné l’administration, le gouvernement et les examens, apparaissait de plus en plus ; les uns, comme le vice-roi Tcheng-Tche-Toung et ses collègues du Yang-Tse, se mirent à tracer des plans de réformes progressives ; d’autres, plus impatiens, rêvaient de lancer d’un bond, à coups de décrets, la Chine dans la vie moderne. Ces réformateurs, visiblement impressionnés par l’exemple de la révolution nippone, étaient ouvertement appuyés par les Japonais et par les Anglais : ils formaient, autour du jeune empereur Kouang-Sou, un petit clan révolutionnaire dont le fameux Kang-Yu-Wei était l’âme et dont le marquis Ito devint bientôt l’inspirateur. Sous leur influence parurent, au cours de l’été de 1898, les décrets qui réformaient les examens et l’administration et créaient, de toutes pièces, une Chine nouvelle. L’Impératrice, retirée à la campagne, laissait faire, dédaignant d’intervenir pour arrêter ce qu’elle considérait comme les amusemens d’un jeune homme débile et faible d’esprit. Mais un jour, le général qui commandait l’armée du Tche-Li, Yuan-Chi-Kai, fut mandé au palais pour coopérer à une révolution plus complète que préparaient, sous le couvert du fantôme impérial, Kang-Yu-Wei et ses partisans ; effrayé, Yuan en référa à son supérieur, le gouverneur du Tche-Li, le Mandchou Jong-Lou, qui comprit toute l’importance des événemens qui se tramaient et avertit l’Impératrice. Tse-Hi n’hésita pas : impérieuse et adroite, elle résolut de prévenir la révolution qui menaçait de ruiner, en même temps que toute la vieille Chine, son propre pouvoir à elle, et, appuyée sur l’armée de Yuan et sur ses fidèles Mandchous, elle exécuta, avec une vigueur et une célérité extraordinaires, le coup d’Etat du 2 septembre 1898. L’Empereur fut déclaré incapable de régner et relégué au fond de son palais ; l’Impératrice reprit la régence et exerça le pouvoir en son nom.