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ses propositions de paix et à passer du côté qui les acceptera, elle ne juge pas pouvoir s’en expliquer encore.

Quand il tenait ces propos à Knesebeck, il savait, par les rapports de Bubna, arrivés le 11, que Napoléon paraissait acquiescer, au moins dans la forme, à l’entremise de l’Autriche.

Le 15, le courrier de Paris apporta une lettre de Napoléon pour François et une autre de Maret pour Metternich[1]. « Sa Majesté, écrit Maret, ne se refusera pas à la démarche que veut faire l’Autriche. Elle la verra même avec plaisir dans l’espérance que l’Autriche est fermement résolue à agir si les dispositions de la Russie rendent cette démarche inutile, avec la vigueur convenable… et à porter son corps auxiliaire à 60 000 hommes. » Et Maret indique les conditions de l’Empereur, telles que l’Empereur est convaincu que la Russie ne les acceptera pas et que, par suite, l’entremise ayant échoué, l’Autriche passera du côté de la France, « Aucun des territoires réunis par sénatus-consulte, — et Maret nomme en particulier : Hambourg, l’Oldenbourg, Munster, Rome, — ne peut être séparé de l’Empire. » Ils « sont unis à l’Empire par les liens constitutionnels. Ils y sont donc unis pour toujours… Une telle séparation serait considérée comme une dissolution de l’Empire même. Il faudrait pour l’obtenir que 500 000 hommes fussent campés sur les hauteurs de Montmartre. » Il n’en est pas de même de l’Illyrie, de la Dalmatie, de Corfou, d’une partie de l’Espagne.

Napoléon mettait autant d’insistance à lier l’Autriche par son « entremise » que Metternich en apportait, par cette même « entremise, » à se détacher. Napoléon n’acceptait l’entremise que pour amener l’Autriche dans son camp et l’enchaîner ; l’Autriche ne l’offrait que pour passer dans le camp ennemi. Metternich fit ce qu’on fait dans les procédures suspectes et les polémiques de mauvaise foi. Il découpa, isola de son contexte le mot : entremise, et de ce mot ainsi abstrait, il déduisit, par l’équivoque, des conséquences qui en détorquaient la signification. Il tirait de la sorte Napoléon dans l’engrenage, et si Napoléon en voulait sortir, il devrait passer par la seule issue qui lui serait ouverte, quelque méfiance qu’il en ressentît.

Metternich écrit, le jour même, 16 janvier, au comte Zichy, ministre à Berlin : « Nous avons atteint le premier but auquel

  1. Napoléon à François II, Maret à Metternich, 7 janvier 1813.