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poignées régulières pour les machines à peigner ; ceux-là, leur travail, en lui-même, n’est pas très dur, mais il ne leur laisse presque pas de répit ; surtout, ils ne respirent pas : on ne peut pas, on ne pourra jamais peut-être les mettre tout à fait à l’abri de la poussière qui s’échappe du lin qu’ils partagent ; et l’on aura beau perfectionner la ventilation générale de l’atelier ; ils ont, en travaillant, les mains trop près du visage, ils sont, pour ainsi parler, trop collés sur ces paquets de lin qui sont aussi de vrais paquets de poussière, pour n’en pas avaler plus ou moins, au détriment de la gorge et des bronches. Et c’est d’autant plus regrettable, qu’il s’agit là de jeunes gens de 18 à 25 ans, dont le développement s’achève, et à qui il faudrait de meilleures conditions pour tirer dans la plénitude de sa force, de l’enfant qu’ils ont été, l’homme qu’ils promettaient d’être. Les mêmes observations s’appliquent aux emballeurs d’étoupes, graisseurs, etc., mais une autre observation les domine toutes ; dans cet atelier du peignage, nous n’avons vu que des hommes : dans l’atelier voisin, à la préparation, nous n’allons plus trouver que des femmes.

Le travail de la préparation est en effet un travail essentiellement féminin, qui demande de l’attention, du soin, et même de la minutie, mais point ou très peu d’effort musculaire. L’ennemi, c’est toujours la poussière. Une ventilation mécanique de l’atelier des préparations serait possible, mais coûteuse, et la même excuse revient : « Dans le mauvais état présent des affaires… » À cette ventilation parfaite, en attendant que des jours heureux permettent de l’introduire, on supplée tant bien que mal, plutôt mal ou pas assez bien, par des appels d’air et des courans d’air. De même à la carderie. Cardeurs et cardeuses n’ont pas non plus un travail bien pénible. Leur personnel, — et d’ailleurs, en partie, celui des préparations, — est à l’ordinaire recruté parmi les sujets les moins bien doués, soit intellectuellement, soit physiquement, et l’un des patrons que j’ai interrogés fait observer à ce propos, non sans raison, que, si les salaires sont faibles pour quelques catégories, au moins y a-t-il dans ces catégories des travaux qui permettent de vivre, petitement et pauvrement sans doute, mais enfin de ne pas mourir, à des gens que leur défaut d’aptitude condamnait à ne pas trouver mieux et exposait à ne gagner rien.

À la filature, quand « le travail est bon, » c’est à dire quand